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… Il est des nuits de doute où l’angoisse vous tord,
Où l’âme, au bout de la spirale descendue,
Pâle et sur l’infini terrible suspendue,
Sent le vent de l’abîme et recule éperdue…
… Et ces nuits-là, je suis dans l’ombre comme un mort…


Il en vient à rêver que s’il avait vécu plus longtemps, lui, le poète de la Luxure, peut-être à la fin il aurait pris figure d’apôtre :


Le cœur est solitaire et nul Sauveur n’enseigne…
… Qui de nous dans la nuit va jeter un grand cri ?…


La recherche de la joie de vivre, vers laquelle nos contemporains sont si passionnément attirés, ravive l’angoisse qui s’attache aux lendemains de la mort. La pensée du Jugement dernier, qui faisait sourire les affilies du naturalisme, semble vouloir recommencer de hanter les âmes avec les menaces dont il a hérissé jadis le fronton des cathédrales. M. Florian Parmentier s’écrie :


Mon Dieu ! L’ombre tragique est là-bas qui me guette,
Elle est aveugle, et cependant inévitable
Et je sais bien qu’un jour d’épouvante muette,
L’ombre recouvrira ma trace sur le sable…
… Faites pourtant, mon Dieu ! qu’en cet instant d’horreur
L’angoisse de ma chair n’atteigne pas mon cœur,
Mais que mon âme éprouve un grand apaisement,
Que l’affre et le remords ne la torturent pas,
Mais qu’ayant fait le bien, elle trouve au trépas
L’air ineffable et doux d’un très saint sacrement…


Ces inquiétudes de l’au-delà inspirent à M. Louis Mercier un poème émouvant, où la troublante question est posée avec toute la confiance de l’amour. En relisant l’Évangile, le poète s’aperçoit que, si Lazare, dépouillé de ses bandelettes, est sorti vivant des immobilités de la mort, ceux qui le retrouvaient ont dû l’interroger sur ce qu’il avait vu, sur ce qu’il avait connu de l’autre côté de la vie. Et ces questions, que toute l’humanité sa pose sans jamais recevoir de réponse, Louis Mercier les met tour à tour dans la bouche de la sage Marthe, de la tendre Marie, de la foi qui ne se tourmente pas, de l’amour qui s’en remet :