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l’âpreté des polémiques anciennes et notre jugement n’est plus entravé par tout ce qu’il pouvait y avoir de « personnel » dans les rancunes d’une génération disparue. Il nous est devenu plus facile, par conséquent, de nous borner à remettre en lumière des faits oubliés, sans céder à la tentation de les faire servir à la démonstration d’une thèse préconçue, et tout effort, si incomplet soit-il, vers la précision documentaire, a nécessairement cet effet heureux de permettre à chacun de se former une opinion motivée, qui ne soit pas exclusivement fondée sur l’affirmation d’autrui.

À un double point de vue, la question des Cours prévôtales nous a paru mériter attention : d’abord savoir ce qui s’est passé à leurs audiences doit nous conduire à une connaissance plus exacte et plus complète des premières années de la Restauration et par là l’histoire politique s’y trouve intéressée ; ensuite l’histoire particulière du droit criminel peut tirer un profit notable de l’étude des conditions où fonctionna la dernière des « juridictions spéciales » qui, au début du siècle dernier, ont occupé, auprès du jury, une place plus ou moins importante dans l’organisation de notre justice répressive. Ne parlons même pas ici des documens que nous donnerait sur l’état moral de la société d’alors l’examen de beaucoup des affaires jugées par les Cours, ni des problèmes fort curieux que nous rencontrerions dans certains débats judiciaires.

Il serait de peu d’utilité de retracer dans leur détail les circonstances de la présentation et du vote de la loi du 20 décembre 1815. Sur ces divers points, les histoires générales de la Restauration ont dit l’essentiel, parfois avec quelques inexactitudes, il est vrai. Plusieurs controverses ne seront sans doute jamais parfaitement élucidées. Faut-il croire, par exemple, que le gouvernement du duc de Richelieu et, en particulier, le ministre de la Justice, M. Barbé-Marbois, n’aient cédé qu’à regret et avec répugnance aux exigences qu’ils voyaient se manifester dans la majorité de la Chambre ? On l’a dit, et c’est d’ordinaire l’opinion adoptée[1]. Ou bien, au contraire, la majorité royaliste n’aurait-elle

  1. Voyez à ce sujet le mot attribué à M. Barbé-Marbois, relaté par M. de Viel-Castel, Histoire de la Restauration, t. IV, p. 202 et par M. Duvergier de Hauranne. Histoire du régime parlementaire, t. III, p. 286.