Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la lèvre inférieure. Le P. Moreau, placé au milieu de ces sauvages, se mit, à son tour, à parcourir le pays à pied ou en pirogue pour racheter des esclaves. Chaque fois, il revenait à la mission avec de nouveaux pupilles qu’il instruisait, baptisait et auxquels il s’efforçait d’inculquer le goût du travail.

En 1896, Mgr Augouard étant allé passer quelques mois en France, reçut du gouvernement la croix de la Légion d’honneur ; en même temps, la Société d’encouragement au bien, présidée par Jules Simon, lui décernait une couronne civique. De retour à Brazzaville, le prélat trouva la ville en fêle pour le recevoir ; un nombreux cortège l’accompagna jusqu’à la construction décorée du nom de « palais, » que les religieux avaient élevée en son absence pour remplacer la vieille case où il s’était abrité durant huit ans. Ayant repris ses courses apostoliques, il tomba gravement malade de la terrible fièvre hématurique qui emporte tant d’Européens dans ces climats. À peine rétabli, il se remit en route pour aller fonder sur les bords de l’Alima, une mission nouvelle (Notre-Dame de Lékéti) et déterminer l’emplacement de la future Sainte-Radegonde.

Pour assurer des communications rapides entre tant de missions, le Léon-XIII devenait insuffisant et Mgr Augouard adressa en France un pressant appel, afin d’obtenir les fonds nécessaires à l’acquisition d’un autre bateau. Cet appel fut entendu et, en 1897, arrivaient à Loango toutes les pièces destinées au nouveau steamer ; c’était 18 000 kilos à faire transporter par 600 noirs jusqu’à Brazzaville. L’opération semblait marcher à souhait quand une bande d’indigènes ayant attaqué les porteurs, ceux-ci prirent la fuite en abandonnant leurs charges. La majeure partie des pièces furent heureusement sauvées ; confiées au chemin de fer belge qui venait d’inaugurer son premier tronçon de Matadi à Tumba, elles furent apportées, de là, par une caravane jusqu’à Brazzaville. Quand enfin « toute cette ferraille » se trouva l’assemblée, il fallut monter le bateau. Besogne malaisée, car il s’agissait, cette fois, d’un grand steamer, et l’on n’avait pas d’ingénieur sous la main. Mgr Augouard se mit courageusement à l’œuvre avec le P. Rémy et trois frères, mais il fallut attendre trois mois pour faire revenir de France les pièces égarées dans les montagnes. Enfin, en mars 1898, le nouveau Léon-XIII était terminé, tandis que l’ancien bateau continuait son service sous le nom de Diata-Diata (« Vite,