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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/183

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fait inscrire. Mais le plus consolant, c’est que tout ce monde (enfans, jeunes gens, jeunes filles) savait admirablement les prières et le catéchisme en langue indigène. C’était l’œuvre d’un catéchiste volontaire qui, depuis deux ans, instruisait, à notre insu, ces pauvres païens : ils n’attendent plus aujourd’hui que la grâce du baptême. Jamais mission ne commença sous de plus heureux auspices.


En dehors de la question religieuse, on a pu juger, par les pages qui précèdent, des services que rendent nos missionnaires, non seulement à la cause de la civilisation chrétienne, mais à la cause française elle-même. Nous nous en rendrons mieux compte encore en examinant les principales difficultés auxquelles se heurte l’administration dans notre Afrique équatoriale. Il y a, d’abord, la question de l’impôt qui, au Congo français comme au Congo belge, « a déjà fait couler des flots d’encre et aussi, hélas ! des flots de sang. » Naguère, l’administration exigeait l’impôt en nature, mais alors elle s’attirait les réclamations des concessionnaires auxquels elle avait accordé un véritable monopole. Depuis quelques années, l’argent étant plus répandu, l’impôt a été fixé à cinq francs par an et les agens du gouvernement ne sont plus appelés que Mundété impata, « Blancs de la pièce de cent sous. » Cet impôt n’est pas excessif : si la perception se faisait avec équité et douceur, il n’y aurait rien à dire, mais les représentans du pouvoir, ne sont pas tous très délicats ; on fait payer deux ou trois fois le même individu, ou bien on majore fortement la somme due. Les noirs les plus soumis sont les plus rançonnés, car les administrateurs ont peur des villages récalcitrans dont les habitans se réfugient dans la brousse où il est impossible de les atteindre. Affolés par les exigences de certains agens, des chefs vendent leurs enfans ou livrent leurs filles à la prostitution pour se procurer du numéraire. On a vu des administrateurs exiger, outre l’impôt, telle femme ou telle fille à leur choix. Quoi d’étonnant si, en pareil cas, les noirs protestent les armes à la main ? La plupart des révoltes, au Congo, n’ont pas d’autres motifs.

À Banghi, contrairement aux arrêtés, on faisait payer l’impôt aux femmes[1] et aux enfans, et un noir tua ses deux enfans pour ne pas avoir dix francs à payer pour eux chaque année. En janvier 1919, les habitans des deux villages d’Irébou et de

  1. Depuis cette année les femmes qui, par le fait, travaillent, chez les noirs, beaucoup plus que les hommes, sont aussi assujetties à l’impôt.