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contiennent. Sainte-Beuve et Baudelaire c’est une étude qui est à faire et que je recommande. Il est vrai que, ces études étant toujours grossissantes, avant que l’étude soit faite le point de vue est juste et, dès qu’elle aura été faite, il sera faux. Ce que c’est que de nous !

Ce qui est resté tout à fait en dehors de l’influence de Théophile Gautier c’est le symbolisme. De quelque nom qu’on l’appelle du reste, le fond du symbolisme était ceci : point d’idées ; des sensations, des états d’âme ; sensations et états d’âme traduits en une prose très musicale se rapprochant de la versification ; rivaliser par le verbe avec la musique ; mettre par le verbe l’âme de l’écoutant dans les mêmes états où la musique le met. Et ceci était tout à fait contre Gautier. Ce n’était pas contre Gautier théoricien : car c’était au plus haut point, c’était essentiellement de l’art pour l’art, et c’était essentiellement de l’art pour initiés, de l’art pour artistes. Jamais même, on n’avait été aussi loin dans le sens des théories générales de Théophile Gautier. Mais c’était contre Gautier en acte, c’était contre la pratique de Gautier et les exemples qu’il avait donnés. Gautier ramenait la littérature aux arts plastiques, peinture et sculpture ; les symbolistes la ramenaient à l’autre pôle, à l’art qui exclut volontairement la précision des lignes et qui cherche à n’exprimer, à ne suggérer plutôt, que des sentimens. À cet égard, le symbolisme était une réaction, et contre le romantisme et aussi et tout particulièrement contre Gautier.

Zola le comprit très bien, qui, sachant ce qu’il avait en lui de Gautier et c’est-à-dire d’art plastique, voyait dans les symbolistes des adversaires à lui, une réaction contre lui et ne pardonnait pas à Brunetière un article favorable ou du moins hospitalier sur les symbolistes et disait hautement que cet article n’était pas pour eux mais contre lui.

Le symbolisme ne réussit qu’à demi, soit, et c’est mon avis, parce qu’il forçait la nature même de l’art littéraire, voulant faire un art synthétique d’un art nécessairement analytique, puisqu’il emploie des mots, et le vrai symboliste devrait se résigner (ou se hausser) à ne parler qu’en musique ; soit parce qu’il ne trouva pas l’homme de génie, celui qui déforme un genre nouveau, toujours, mais qui le consacre ; soit encore parce qu’il n’avait pas, lui, sur qui s’appuyer et de qui s’autoriser, un grand homme de la génération précédente, ce que j’ai dit