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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/347

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qui est une condition presque nécessaire de succès. Le grand poète-musicien de 1830-1860, c’est Victor Hugo ; mais c’est le musicien retentissant, le musicien de savantes et terribles orchestrations, le musicien d’orages lyriques, le musicien par conséquent le plus antipathique aux oiseleurs des murmures de l’âme, celui dont ils pouvaient le moins se réclamer, à quoi du reste ils étaient aussi loin que possible de songer ; celui enfin, et c’est le point, qui avait le moins préparé le public à les accueillir, à les comprendre et à les sentir.

Mais il suffit que j’en sois à parler des symbolistes pour être averti, quand il s’agit de Gautier, que je m’égare et qu’il faut revenir.

L’influence de Gautier me paraît épuisée. On en trouverait quelques traces encore chez M. Rostand, sans doute ; mais seulement parce qu’on songera à Gautier toutes les fois qu’on rencontrera un poète qui procédera directement du temps de Louis XIII, et ce n’est pas tant à Gautier que se rattache M. Rostand qu’au romantisme tout entier depuis 1630 jusqu’à Leconte de Liste exclusivement. Il est le néo-romantique de tout le romantisme et aussi bien les passions et les engouemens et les haines qu’il a l’honneur de susciter viennent précisément de là ; et j’aurais bien envie, n’était le respect, de parodier ainsi certains vers célèbres de Sainte-Beuve, en leur conservant pieusement toute leur cacophonie :


Romantisme immortel, es-tu mort ? On le dit ;
Mais Caliban s’en moque et Chantecler en rit.


Je n’ai voulu que marquer, avec l’exactitude possible en pareilles choses, la place de Gautier dans l’évolution de l’art poétique et de tout l’art littéraire au XIXe siècle. Cette place est des plus considérables et les historiens littéraires rencontreront Gautier, de 1830 à 1910, à chacun des grands « tournans. »


EMILE FAGUET.