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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/384

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vous savez que ma santé exigeait cette courte séparation et, je l’espère, la certitude de me voir revenir guéri et vaillant vous empêche de vous attrister de mon absence,

Mestadier a été pour moi, dans toutes les péripéties de notre route, d’une complaisance et d’un dévouement dont je lui serai éternellement reconnaissant. Il a eu pour moi des soins de femme, des attentions touchantes, et, ce soir, comme c’est la première fois qu’il va me quitter et me laisser dormir seul, puisque nous sommes au coin de mon feu à l’hôpital militaire, et qu’il doit me laisser pour aller coucher en ville, il s’étonne et s’attarde, tandis que j’écris, bien que je me porte en ce moment à merveille.

Mais venons au voyage que je vais vous dire à tort et à travers, ayant décidément, depuis que je suis en route, un dégoût chaque jour plus prononcé pour tout ce qui n’est pas voir, voir, et encore voir. Donc, sans littérature et à vol d’oiseau, voilà :

La journée de mardi, celle du départ, très fatigante. La seule compensation est le Poitou, vu à travers la vitre du wagon, et très mal, mais qui est, pour sûr, un des plus beaux paysages que j’aie vus. Des collines rocheuses, un paysage gras, agreste, noir, superbe. Arrivée le soir à Bordeaux. Descendu à l’Hôtel de la Paix. Excellent : lit bassiné, chambre de prince en voyage, souper de malade, parfaitement préparé.

Mercredi matin. Réveil matinal. Dépêches envoyées à la maman. Arrivée à l’hôtel de Baudit, prévenu par Mestadier. Promenade en voiture fermée. Bordeaux, ville stupide, ressemblant à Paris. Mais la Gironde et le Port, très amusans. Visite aux Tramasset stupéfaits. Dîné chez eux avec Mestadier.

Jeudi matin. Réveil et préparatifs de départ. Quart d’heure de Rabelais (épouvantable !). En route pour Perpignan. Dès Agen, le printemps le plus tiède et le plus vert. À Carcassonne, le vrai midi, les oliviers, le ciel bleu, et la chaleur, malgré les Cévennes qu’on voit à l’horizon, couvertes de neige. À Narbonne, changement de train par un vent horrible que les gens du pays disent être très doux. Traversé un pays inouï, les étangs de Leucate, où la locomotive et sa queue de voitures semblent filer sur l’eau. Au fond aperçu une ligne bleue qui est la Méditerranée. Arrivée à sept heures à Perpignan, vieille ville de guerre, affreuse, pavée en culs de bouteilles, mais d’un moyen âge espagnol adorable. Hôtel, hélas ! moyen âge et espagnol,