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des troupes du général Moinier. Mais il n’avait pas été possible d’évincer le plus jeune colonel de l’armée française, déjà commandeur de la Légion d’honneur, à qui ses campagnes précédentes du Tchad et de Mauritanie donnaient une auréole de chance inépuisable et de science incontestée. Il fallait aussi réserver une part équitable dans les opérations aux élémens de l’armée coloniale dont la Presse et le Parlement avaient exigé l’envoi au Maroc. L’émulation et l’esprit de corps allaient donc se manifester dans leurs formes les plus nobles et contribuer, autant que l’habileté manœuvrière du chef suprême, à la rapidité, aux succès décisifs de l’expédition.

Le 19 mai au soir, la concentration à et Kounitra était terminée. Dans l’après-midi, un capitaine du poste avait été tué, quelques hommes blessés, pendant une escarmouche avec les guerriers zemmours qui étaient venus tirailler contre les tranchées et qui, refoulés dans la forêt voisine, n’avaient pu inquiéter l’arrivée des troupes à l’étape, ni les fractions du convoi dans leurs mouvemens préparatoires entre Meheydia et la Kasbah d’El Kounitra. Le lendemain, la colonne enfin constituée devait se mettre en route pour Lalla Ito.

Le départ avait été fixé à trois heures du matin. Ce n’était pas trop tôt pour une étape de 42 à 45 kilomètres au début de l’été, avec une caravane de 1 700 chameaux dont le premier groupement est difficile et lent, un troupeau de 300 bœufs, des soldats lourdement chargés, peu habitués à la marche en terrain sablonneux. Mais, malgré les ordres minutieux de la veille, un de ces contretemps, qui laissent impuissant le chef le mieux obéi, retarde jusqu’à neuf heures et demie le départ de la colonne tout entière. Ainsi commencée sous le soleil déjà chaud, à travers une plaine déserte et sans arbres, l’étape s’annonçait désastreuse. Elle l’aurait été en effet si un incident, d’ailleurs prévu dans le dispositif de marche, n’avait rendu quelque vigueur aux troupes épuisées.

Vers la fin du jour, alors que les traînards, de plus en plus nombreux, se laissaient dépasser par leurs camarades et s’égrenaient entre l’arrière-garde et le détachement de spahis qui fermait la marche, quelques Zemmours sortent de la forêt et viennent, à moins d’un kilomètre de nos derniers cavaliers, montrer de belliqueuses intentions. En même temps, sur la lisière sombre, apparaissent de nombreux groupes ennemis qui