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révolutionnaire, sont logés et subventionnés à la Bourse du Travail par la Ville de Paris : cette situation est-elle admissible, peut-elle se prolonger, maintenant qu’on sait à quoi s’en tenir sur les opérations qui se font ou qui se préparent dans l’ombre propice de ce monument municipal ? On a découvert autrefois, ou cru découvrir des complots dont on a fait grand bruit et qui étaient beaucoup plus inoffensifs que ceux-ci. Une instruction est ouverte ; elle s’étend déjà à plusieurs villes de province et paraît devoir se développer encore ; elle nous réserve des révélations intéressantes et instructives, à en juger par ce que nous en savons déjà. La Bourse du Travail, la Confédération générale du Travail, la fameuse C. G. T., tout cela se tient et forme un bloc assez intime pour que l’on ne puisse pas toucher à une de ses parties sans atteindre les autres. Sachons gré à M. Caillaux d’avoir eu l’audace, puisque audace il y a, de porter la main sur cette arche sainte dont la sécurité était fondée tout entière sur la terreur qu’elle inspirait. Bien des choses seront changées le jour où cette terreur sera dissipée.

Mais la Chambre, demandera-t-on, la Chambre qui soutenait hier M. Monis et M. Dumont, que dit-elle de ces nouveautés ? La Chambre applaudit M. Caillaux comme elle applaudissait M. Monis et M. Dumont, et ce sont souvent les mêmes hommes qui applaudissent les ministres d’aujourd’hui après avoir applaudi ceux d’hier. Il ne faut pas essayer de comprendre ces mystères de l’âme parlementaire, ou, si on veut le faire, il faut admettre qu’une Chambre est courageuse avec un ministère courageux et défaillante avec un ministère défaillant. Jamais ministre n’a eu de majorités plus fortes que celles qui ont accueilli les déclarations de M. Caillaux. Réduits à eux-mêmes, les socialistes plus ou moins unifiés n’atteignent pas 100 voix dans leurs meilleurs jours : tout le reste, pas loin de 500 voix, appartient au gouvernement : la question est de savoir s’il saura les garder. Il doit s’attendre à subir de rudes assauts à la rentrée d’octobre ; mais, comme les députés sont pour le moment dispersés dans leurs arrondissemens, et qu’ils y passeront trois mois, ils constateront le sentiment du pays. Or le pays veut précisément ce que M. Caillaux lui a promis : un gouvernement qui gouverne contre la démagogie et le désordre. Les réformes viendront ensuite. La Chambre n’a pu jusqu’ici en faire aucune, pas même la réforme électorale, qui était toute prête, mais dans laquelle elle s’est pitoyablement empêtrée. Néanmoins on peut dire que le scrutin d’arrondissement a vécu : il a été condamné par des votes successifs qui lui ont