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les cartes, les atlas, les livres, classés le long des murailles : il en tenait le catalogue à jour et il y puisait les renseignemens dont il avait besoin lorsque sa fidèle mémoire ne les lui fournissait pas sur-le-champ. Cette vie simple et régulière laissait intactes les forces de l’homme, et permettait à sa belle intelligence de s’épanouir pleinement, de se consacrer tout entière à l’étude, pour laquelle il garda, jusqu’au dernier jour, une véritable passion.

Ce qui frappe tout d’abord et confond presque l’esprit lorsqu’on essaie de comprendre et de raconter l’œuvre de Levasseur, c’est l’immensité de l’effort et la multiplicité des sujets auxquels il s’est appliqué. Pour apporter quelque clarté dans notre exposé, nous le diviserons en examinant successivement en lui le géographe, l’historien, le statisticien et le démographe, l’économiste, l’agronome, l’académicien et l’homme. Nous sentons ce que cette ordonnance a d’artificiel. Plus d’un travail de notre regretté maître relève de plusieurs des sciences dans lesquelles il excella : il a appliqué à chacune d’elles ses méthodes de statistique ; dans combien de ses livres la géographie et l’histoire ne se prêtent-elles pas un mutuel appui ! Ses théories d’économiste s’appuient sur les faits qu’il a enregistrés ; sa carrière d’académicien l’a conduit à entretenir ses confrères tour à tour de chacun des objets que notre énumération sépare. Nous ne pouvons nous empêcher de penser à cette jolie anecdote que M. de Foville rappelait à la fête des quatre-vingts ans de son confrère : un savant allemand lui demandait un jour si Levasseur le géographe était parent du statisticien et de l’économiste, et, stupéfait d’entendre une réponse affirmative, ne parvenait pas à concevoir que le même homme eût mené à bien tant de tâches diverses. Néanmoins, il nous a semblé que notre méthode permettait d’apporter quelque lumière dans le sujet, dussions-nous risquer de voir les routes se croiser à plus d’un carrefour et des chemins de traverse nous ramener parfois au point de départ.

Levasseur était né à Paris, le 8 décembre 1828, rue Vivienne, où son père était fabricant de bijoux. Il fit ses études primaires à l’école communale des Batignolles, à l’école Delahaye, rue Sainte-Anne, puis rue de la Pépinière ; en octobre 1839, il entra dans la classe élémentaire du collège Bourbon, devenu en 1848 lycée Bonaparte et en 1870 lycée Condorcet : il y