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aborder l’étude du globe : il comptait y faire entrer non seulement la description matérielle des lieux, l’aspect physique des terres et des eaux, mais l’analyse des activités qui s’exercent à la surface des unes et des autres, des richesses qu’elles renferment et des moyens qu’elles fournissent aux hommes de produire et d’échanger. Son Précis de géographie, paru en 1863, résumait la science dans les détails de laquelle il allait pénétrer : il lui faisait en 1866 une place dans son Plan d’études et programmes de l’enseignement secondaire spécial. L’année précédente, en 1865, il avait, dans une de ces conférences du soir qui attiraient à la Sorbonne un public nombreux, fait connaître les découvertes récentes de l’Afrique. A cette époque, le continent noir était encore, dans sa plus grande partie, la terre mystérieuse. Les générations d’aujourd’hui, qui vivent dans la connaissance immédiate et approfondie des questions africaines, à qui non seulement les livres d’enseignement, mais les journaux fournissent à chaque instant des cartes d’un monde où bien peu de coins sont restés inexplorés, souriraient en voyant l’une de celles qui servaient aux écoliers d’alors : en dehors de l’Egypte, de l’Algérie et du Cap, de grands espaces blancs n’étaient sillonnés que de quelques lignes représentant le cours plus ou moins hypothétique de grands fleuves, tels que le Niger, le Congo, l’Orange et le Zambèze. Le jeune professeur devinait que l’activité du monde allait se porter vers ces étendues ; il devançait le mouvement en attirant l’attention de son auditoire sur les pionniers qui s’élançaient vers des bords encore redoutables, vers des plaines et des montagnes étranges qui allaient être si rapidement et si brillamment conquises.

En 1868, il publie une Carte pour servir à l’intelligence de la France et de ses colonies. Ce seul titre n’est-il pas toute une révolution dans la science géographique, telle que la professaient, dans un esprit que nous nous permettrons d’appeler quelque peu scolastique, nos excellens maîtres d’alors, qui cumulaient l’enseignement de l’histoire et de la géographie, et, plus ou moins volontairement, s’absorbaient dans le premier au détriment du second ? L’intelligence de la France ! c’était un programme que cette façon de présenter un document, une carte qui, jusque-là, n’était qu’un prétexte à descriptions plus ou moins détaillées, tandis que le maître entendait maintenant s’en servir pour expliquer à ses élèves les multiples phénomènes