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œuvre a été cette Histoire du commerce, à laquelle il travaillait depuis longtemps et dans laquelle il a exposé, avec sa clarté et sa richesse de documentation coutumières, les évolutions des échanges, les grands courans du trafic et le développement de plus en plus rapide des transactions qui rapprochent les hommes et unissent les nations.

Voici comment un de ses éminens confrères, Gabriel Monod, dans une lettre écrite au lendemain de sa mort, le jugeait et le rapprochait d’un autre grand historien. « Il était, avec Duruy, celui des universitaires qui m’a inspiré le plus d’affection et d’admiration. Il laisse presque achevée cette Histoire du commerce, commencée à un moment où l’on pouvait croire qu’il avait acquis le droit au repos. Mais il ne pouvait cesser de travailler, de produire et de se dévouer qu’en cessant de vivre. » C’est en mettant la dernière main à une œuvre historique que Levasseur a fini sa tâche terrestre, montrant d’une façon pour ainsi dire matérielle l’admirable unité de sa vie.


IV. — LE STATISTICIEN ET LE DÉMOGRAPHE

C’est peut-être dans la statistique que Levasseur a marqué le plus profondément sa place et qu’il a rendu le plus de services. Par la masse et l’importance de ses travaux, il était devenu comme le représentant officiel de la statistique en France. C’est ici en effet que son esprit clair, méthodique, aidé par une mémoire admirable et une logique rigoureuse, trouva le plus souvent à exercer son action.

Dès 1856, en donnant une Méthode pour mesurer la valeur de l’argent, il montre comment il comprend la statistique ; il ne s’agit pas pour lui d’entasser des colonnes de chiffres, mais de dégager ceux qu’il vaut la peine de recueillir, de les classer, de les grouper suivant des règles précises. En 1870, il publiait, sous le titre de Vade mecum du statisticien, des Tableaux concernant la France et ses colonies, qui réunissent les élémens essentiels à la connaissance de notre pays et de ses domaines extra-européens. La plupart de ses ouvrages géographiques étaient d’ailleurs en même temps statistiques.

Les Statistiques de l’enseignement primaire, dressées à différentes reprises par ses soins, attestent l’intérêt qu’il portait à cette partie de l’instruction publique, qui a fait, depuis 1870,