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qui est en honneur chez les Parlemens modernes. On pourrait les renvoyer au Précis d’économie politique.

De 1868 à 1876, Levasseur professa au Collège de France un cours d’histoire des faits et doctrines économiques. C’est dans le souvenir de cet enseignement, en même temps que dans les nombreuses publications qui l’ont accompagné, que se trouvent les renseignemens les plus fidèles sur ses opinions économiques. Lui-même, dans la préface de L’ouvrier américain, a pris soin de nous les indiquer :


J’appartiens, écrivait-il, à l’école libérale, celle qu’on nomme parfois classique et, plus improprement, orthodoxe : il ne saurait y avoir d’orthodoxie dans la science, et il n’y a de classique que le vrai.


Dès sa première leçon, le professeur indiquait le caractère qu’il se proposait de donner à son enseignement. Aux sciences exactes, qui ont l’heureux privilège de n’être contestées par personne, il opposait les sciences morales, qui traitent d’un être intelligent et libre, ce qui fait à la fois leur gloire et leur infirmité. Il n’en réussit pas moins à préciser le rôle de l’économie politique, et nous montre la prédominance du facteur humain : c’est le travail de l’homme qui crée le produit et rend le service ; c’est la science, résultat de l’intelligence de l’homme appliquée à la connaissance des lois du monde physique et du monde moral, qui rend le travail fructueux. La nature et l’homme sont les deux pôles de l’œuvre économique, mais l’un est le pôle passif, l’autre le pôle actif. Pour Levasseur, la science économique est une science d’observation : dans sa leçon d’ouverture de 1873, il déclare que l’économie politique, née de l’étude des faits, doit constamment se retremper dans cette étude, et il pense lui rendre service « en interrogeant en son nom l’histoire et la géographie. » Il a fourni surtout des travaux d’économie politique appliquée, plutôt que des ouvrages de théorie pure. Nous avons parlé de ses essais monétaires, dont le premier en date est son livre de 1858 sur la Question de l’or ; il témoignait d’une remarquable sagacité en une matière difficile. Il commence par passer en revue l’histoire des métaux précieux, en indiquant les variations du rapport de valeur entre l’or et l’argent ; puis il explique la rupture d’équilibre amenée en 1848 par la découverte des gisemens californiens et australiens, qui produisirent jusqu’à 750 millions de francs d’or en 1856, et