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il conclut, de l’étude minutieuse des principaux centres miniers du monde, que « l’or et l’argent ne sont pas près de manquer, et que l’avenir promet à l’un et à l’autre une production presque sans limite. »

En écrivant ces lignes il y a 53 ans, le jeune universitaire se montrait autrement perspicace que l’Autrichien Suess qui, vers la fin du XIXe siècle, affirmait encore que la disette du métal jaune était imminente. Chemin faisant, Levasseur expliquait la nature et le rôle de la monnaie, les lois. qui règlent la valeur des métaux précieux, l’influence de l’or sur la condition des personnes et le prix des marchandises. Puis il montrait les inconvéniens d’un double étalon et concluait hardiment à la démonétisation de l’argent, « pour sortir de la situation fausse dans laquelle nous a placés notre législation. » Il énumérait les raisons qui militent en faveur du métal jaune : sa valeur est moins variable que celle de l’argent ; il a des qualités physiques supérieures ; il est la monnaie des peuples riches ; il est adopté par l’Angleterre et les États-Unis.


L’intérêt du présent et celui de l’avenir, écrivait-il en terminant son livre que l’on pourrait croire écrit en 1911, nous commandent de prendre l’or pour étalon monétaire.


Il est à regretter que le gouvernement impérial n’ait pas suivi ce conseil : il nous eût épargné les difficultés dont nous ne sommes pas encore sortis au XXe siècle.

En 1902, Levasseur rédigeait, pour la nouvelle série des Ordonnances des rois de France, un Mémoire sur les monnaies du règne de François Ier, dans lequel il décrit les pièces en usage, expose la fabrication et l’administration des monnaies, les changemens de valeur, malheureusement chroniques à cette époque, les tarifs auxquels les monnaies étrangères étaient admises dans le royaume. En terminant, il envisage la monnaie au point de vue de sa valeur intrinsèque, légale, commerciale et sociale. Il aimait ainsi, même lorsqu’il écrivait une monographie, à élargir son sujet ; il manquait rarement de le généraliser et d’exposer quelque grande vérité économique, dont la démonstration ressortait du cas particulier qu’il avait étudié.

Ce qui fait la belle unité de son œuvre économique, c’est le souci constant du bien public qu’il ne cessa d’y apporter. Il jugeait que son premier devoir était de s’attaquer aux problèmes