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contemporains, et de mettre la science au service de ses compatriotes, en fournissant au législateur les matériaux dont il a besoin pour ses travaux et à la nation les élémens qui lui permettent de s’éclairer. Homme de son temps, préoccupé au plus haut point des luttes sociales qui tourmentent nos vieilles nations, il n’épargnait aucun effort pour les adoucir. En 1909, il explique le génie de son livre Salariat et salariés :


Convaincu qu’il est utile de travailler à éclairer sur cette matière l’opinion et à dissiper, s’il est possible, des préjugés inconsciens ou des erreurs systématiques par l’exposé des faits et par la discussion des idées, je les reprends sous une forme plus condensée et plus didactique.


Et dans sa conclusion, il revenait à son pays, sur lequel sa pensée s’arrêtait toujours avec une sorte de tendresse filiale inquiète :


Une nation telle que la nation française peut subir des épreuves pénibles et prolongées ; elle ne saurait périr, et elle peut trouver, par l’effet même d’une dépression, la tension du ressort qui la relèvera. La coordination est ce qui manque le plus aujourd’hui ; mais l’énergie individuelle, en matière économique, est loin d’être énervée.


Levasseur aimait à proclamer que l’économie politique est une science, une science morale ou plutôt physico-morale, puisqu’elle traite à la fois de la richesse et de l’homme. Il acceptait la définition de « science de la richesse, » qui exprime bien ce sur quoi portent ses investigations, mais il la complétait en ajoutant qu’elle étudie les lois d’après lesquelles les hommes produisent et consomment la richesse en échangeant des services. Il range « l’économique » parmi les sciences d’observation ; elle s’applique, d’après lui, à des phénomènes internes et des phénomènes externes : les premiers, qui sont de nature psychologique et que perçoit la conscience, comprennent les désirs, les besoins, les mobiles intimes de nos actes économiques. Les seconds consistent en forces productives, en richesses naturelles, en actes relatifs à la production, à la répartition, à la circulation, à la consommation des richesses, en rapports établis entre les hommes par le travail et l’échange. Fidèle à la tendance synthétique de son esprit, Levasseur proclamait l’importance de la statistique et de l’histoire pour l’économiste, dont elles sont, disait-il, la lumière ; mais il répondait à ceux qui, comme List, prétendent distinguer une économie humaine,