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à cette occasion sont encore dans toutes les mémoires : des représentans de chacune des écoles où il professait, des corps savans dont il faisait partie, prirent la parole ; et ce qu’il v eut de plus beau dans cette cérémonie où tous les cœurs battaient à l’unisson, c’est le sentiment universel que les éloges décernés à l’envi au héros de la journée étaient justes, et que pas une expression n’avait dépassé la mesure de la vérité. La réponse que fit aux orateurs l’homme auquel tant d’hommages s’adressaient fut digne d’eux et de lui : il résuma sa vie en dictant pour ainsi dire à l’avance l’épitaphe à inscrire sur son tombeau : « J’ai fait ce que j’ai pu. » Oui certes, il l’a fait, et dans la mesure la plus large, la plus complète ; il a fait tout ce qu’il a pu, et il a pu beaucoup. Il n’a pas perdu une minute des années qu’il a passées sur cette terre, toujours fidèle à sa belle devise : Scire et prodesse ; savoir et être utile, savoir, enseigner et répandre à flots la lumière autour de lui.

Mille traits pourraient être cités ici qui montreraient le fond de cette âme pure et droite. Jamais il ne refusait un conseil, une direction à ceux qui les lui demandaient. Un jour, c’est un étudiant étranger qui vient l’entretenir d’un travail qu’il poursuit : le maître s’avise qu’il ‘a là, dans un dossier, des élémens destinés à lui servir à lui-même pour une prochaine publication. Il n’hésite pas un instant ; il les communique au jeune homme qui va profiter, avant l’heure, des matériaux amassés par son maître, et dont celui-ci lui fait le généreux abandon. L’heureux bénéficiaire de ce don inestimable eut le tort, paraît-il, d’oublier de rapporter les papiers qui lui avaient été confiés. Pensez-vous que Levasseur fut guéri ? Vous le connaîtriez mal. L’année suivante, une occasion semblable se présente : une fois de plus, il vide ses tiroirs et prodigue, sans compter, les trésors d’une collaboration anonyme, que les plus grands savans eussent volontiers cherché à s’assurer. Combien pourrait-on citer de ces traits où l’homme se révèle, cet homme dans lequel étaient venues s’incarner toutes les vertus d’une race probe, forte et sérieuse, dont il fut le type le plus achevé !

Parmi les innombrables témoignages de sympathie adressés à la famille de Levasseur au moment de sa mort, nous en retiendrons un, qui nous a semblé particulièrement touchant et qui emprunte un prix plus grand encore au lieu d’où il est daté, Lutterbach, en Alsace : « Un ancien élève de seconde (1859-1860)