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s’est prolongé jusqu’au dernier quart du XIXe siècle, produisant des conséquences plus ou moins durables selon les cas, mais non négligeables à coup sûr. La Grèce, nous devons l’avouer, en a bénéficié plus que Rome : mais ces deux noms, pour les Néo-Latins que nous sommes, sont bien difficiles à séparer. Comme, disait Sainte-Beuve,


La Muse des Latins, c’est de la Grèce encore.


Ce qui sert l’une profité toujours à l’autre quelque peu. D’ailleurs, Rome aussi, Rome prise en elle-même et non pas seulement comme interprète et continuatrice de la glorieuse Hellas, a attiré bien des regards. Sur l’école parnassienne, par exemple, l’action de l’hellénisme a été plus éclatante, plus profonde aussi ; — et, pour le dire en passant, il serait à souhaiter qu’on se mît à l’étudier avec précision, autrement qu’en répétant de vagues épithètes laudatives, ou en citant quelques vers, toujours les mêmes, d’Hypatie et de Khirôn ; — mais l’influence latine a existé aussi. La déterminer le mieux possible, voir comment les principaux de nos poètes, durant la dernière moitié du XIXe siècle, ont compris et senti Rome, comment ils ont décrit ses spectacles et évoqué son esprit, voilà ce que nous voulons essayer.


I

On nous permettra de remonter jusqu’à un homme qui n’a point fait partie de l’école parnassienne, qui l’a ignorée et en est demeuré peu connu, mais qui en peut être appelé le précurseur, et qui, dans le domaine qui nous intéresse, a donné un exemple très curieux ; nous voulons parler de Louis Bouilhet. « Précurseur, » du reste, Bouilhet l’a été en bien des choses, avec plus de velléités que de réussites parfaites, plus d’idées que de moyens d’art propres à les réaliser. De même qu’il a pressenti l’intérêt que pouvait offrir à des Occidentaux blasés l’art littéraire de l’Extrême-Orient, de même qu’il s’est essayé, un des tout premiers, à la grande poésie scientifique, il a su se rendre compte, à une époque où l’on ne s’en avisait guère, de l’attrait que présenterait une évocation du vieux monde romain : il l’a tentée, — bien ou mal, c’est ce que nous verrons tout à l’heure, — mais enfin il l’a tentée, et c’est ainsi qu’en même temps que l’auteur du Barbier de Pékin ou des Fossiles, il a été celui du