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Du moins peut-on supposer que si, du séjour d’éternelle gloire où ils reposent,


…………………. parmi
Les Ombres que la Lyre a faites fraternelles,


les bons poètes de Rome ont eu connaissance des Trophées, ils ont dû les aimer à plus d’un titre : Horace, pour l’exacte symétrie de leur architecture ; Properce, pour la vigueur condensée de leurs phrases ; Lucain, pour leur fierté héroïque et sonore. Même le défaut qu’on a quelquefois reproché à Heredia, l’ingéniosité trop subtilement artificieuse de l’élocution et de l’arrangement, fait songer à certains auteurs de la décadence latine, à un Martial ou à un Stace. Et quant à sa qualité maîtresse, le soin minutieux et persévérant servi par d’heureuses trouvailles, comment la mieux caractériser que par ce mot d’un critique romain sur un poète romain, curiosa félicitas ? Seulement, à la différence de Leconte de Lisle, Heredia ne se contente pas de ressembler naturellement aux maîtres Latins : il va aussi vers eux par un libre choix de sa volonté, non pas toujours certes, mais assez souvent. Il n’a aucun parti pris, pas plus contre eux que contre tout autre groupe d’écrivains. Son objectivité tranquille de poète historien ne connaît ni préférences passionnées, ni préjugés de doctrine : pourvu qu’une civilisation ou une littérature puisse lui offrir l’occasion de quelques miniatures épiques comme il aime à en peindre, tout lui est bon. De fait, Rome figure en belle place dans les Trophées : plus de vingt sonnets lui sont consacrés, moins, il est vrai, qu’à « la Grèce et la Sicile, »-mais autant qu’au « moyen âge et à la Renaissance, » et bien plus qu’à « l’Orient et aux Tropiques. » L’élève de Leconte de Lisle comble ainsi la lacune que son maître avait laissé subsister.

Il la comble d’autant mieux que ses sonnets romains, s’ils ne sont pas extrêmement nombreux, sont assez divers pour pouvoir, par leur juxtaposition, constituer un miroir exact et complet de l’antiquité latine. Voulons-nous pénétrer dans la vie familière, rustique et humble, des petites gens des faubourgs ou de la campagne ? Villula et surtout les cinq pièces de Hortorum deus nous en feront connaître les plaisirs et les préoccupations. Mais tout à côté, par un contraste adroitement ménagé, Le tepidarium nous montrera le luxe morbide et les voluptés