Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Grèce, M. de Nolhac vers la Renaissance italienne et française, Rome a été le domaine de M. Plessis, et nous venons de voir comment il l’a cultivé.


VII

Que l’érudition, si reconnaissant chez un Richepin ou un Plessis, n’ait pas autant de place dans l’œuvre d’un Sully Prudhomme, on ne saurait s’en étonner. Mais ou ne peut être surpris non plus que cette haute et forte intelligence se soit arrêtée à méditer quelques instans sur l’empire romain comme sur toutes les grandes choses, et ait tenu à en dire son opinion. Cette opinion se résume dans une de ces formules que Sully Prudhomme a su si bien créer, formules pleines et ramassées d’algébriste autant que de styliste :


J’aime la grâce attique et la force romaine.


La force, voilà pour lui la marque distinctive de la Ville Éternelle, de tout ce qu’elle a fait et de tout ce qu’elle a laissé, du rôle qu’elle a joué dans le monde. Et tout de suite, quand on connaît l’âme infiniment délicate et tendre de Sully Prudhomme, on peut prévoir que cette définition n’ira pas sans impliquer quelque blâme. En effet, devant les ruines prodigieuses du Colisée, le poète est frappé de la grandeur latine, mais non conquis par elle :


Je n’ai rien éprouvé qui m’ait subjugué l’âme,


dit-il un peu surpris, mais bientôt il s’explique cette indifférence, ou, pour mieux dire, cette hostilité envers le monument gigantesque de la puissance impériale ; c’est qu’il n’y a pas senti ce qu’il estime plus que tout, une intention morale, un appel de justice et de fraternité humaine :


Ces hommes étaient forts ! Que m’importe, après tout ?
Quand même ils auraient pu faire tenir debout
Un viaduc allant de Rome à Babylone...
Je ne saluerais pas la force sans l’amour !


Ce n’est pas ici le lieu d’examiner si ce jugement sur la domination romaine n’est pas un peu bien sommaire, si les conquérans de l’univers, éclairés par la pensée grecque, n’ont pas