Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préside Hardenberg. Trop libéral pour se soumettre à la politique autoritaire que le chancelier veut faire prévaloir dans les contrées rhénanes attribuées à la Prusse par le Congrès de Vienne, il se sépare de cet homme d’Etat pour retourner à la science qui ne lui sera pas moins favorable qu’à son frère, bien qu’il lui ait fait trop souvent des infidélités.

De tous les points où le conduisent ses déplacemens, il écrit à ce frère qu’il admire autant qu’il l’aime ; celui-ci lui répond toujours et si nous le savons, si nous connaissons leurs lettres, c’est grâce à l’habileté de cette police, qui va jusque dans le cabinet d’Alexandre, quand il est absent, copier les originaux des unes et les minutes des autres. Elle estime que cette correspondance où les Humboldt se parlent librement, révéleront des intrigues politiques qu’on soupçonne et prouveront qu’elles pèsent d’un grand poids sur la marche des événemens.

En parcourant d’abord quelques rapports de ces policiers qui restent pour nous des inconnus, on pourra mesurer le plus ou moins d’importance de leurs découvertes et décider si oui ou non, elles présentent une utilité suffisante pour légitimer l’emploi des moyens bas et honteux auxquels ils ont recouru.

« 13 février 1817. — Le baron de Humboldt vient de terminer une très longue lettre à son frère, sur la situation actuelle des esprits en France. L’agent l’a eue entre les mains pendant quelques momens, et a remarqué qu’elle était rédigée dans un sens extrêmement libéral, ou plutôt jacobin. Cette lettre doit partir demain par le courrier du comte de Goltz ; l’agent fera tout ce qui dépendra de lui pour tâcher d’en procurer copie, parce qu’il la dit très intéressante.

« Une chose singulière, c’est que, pendant que M. de Humboldt consigne ainsi ses pensées ultra-philosophiques, il fait l’ultra-royaliste chez Mme de Duras et chez M. de Chateaubriand. Une telle duplicité de conduite et de langage n’est guère honorable pour un savant tel que lui.

« Avant-hier Mme de Staël a écrit au baron de Humboldt, le billet suivant :

« Mon cher baron, il faut, mais il faut absolument que vous veniez dîner mercredi avec M. de Chateaubriand et d’autres purs comme lui. Il le faut, en rendez-vous. »

« Voici la réponse littérale du baron de Humboldt à Mme de Staël.