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profondeur ; tu as très bien fait de ne pas trop suivre les conseils de ceux qui se piquent d’une grande pureté dans les langues anciennes, mais qui n’ont que cet avantage seulement ; on perd toujours par là en originalité, et je n’ai nulle part observé que tes ouvrages manquent de correction. Wolf[1] est avec raison enchanté de ta dédicace. Je lui ai envoyé, sur-le-champ, les exemplaires, ainsi que les autres que tu avais destinés pour Berlin. Quant au fond, je n’en parle pas. Il est du plus haut intérêt comme tout ce que tu écris, et ne se rencontre nulle autre part aussi bien.

« Je suis ici depuis les derniers jours de janvier, et j’y reste jusqu’au premier mars, je m’y trouve à merveille. Ma femme et mes filles sont bien portantes ; Caroline même souffre moins. Hermann et Adélaïde sont venus nous voir, et nous passons des journées fort gaies et fort agréables. Quant à mes affaires, je n’ai que celles des réclamations des particuliers, vis-à-vis de la France, qui ne me quittent nulle part, et celles de mes terres. Au reste, tu sauras déjà que je n’ai été nullement appelé à Berlin. J’avais demandé et obtenu un congé pour me rendre à mes terres ; je l’avais sollicité pour trois mois, mais je n’ai pu quitter Francfort que le 11 janvier, et il faut que je sois à Berlin au commencement de mars, puisque ma femme veut partir pour l’Italie au commencement d’avril, et qu’il faut pourtant un peu se préparer à un tel voyage.

« On persiste à dire que j’irai à Londres, ce printemps ; je n’en sais rien encore. On a voulu me donner vingt-cinq mille écus d’appointemens. J’ai écrit, après quelques pourparlers avec le chancelier, directement au Roi, et j’ai demandé 5 000 livres sterling. Cela va donner beaucoup d’embarras, car on ne sait que faire de moi, et l’on avait, pour bien des raisons, désigné la mission de Londres. Je n’ai pas dit le plus petit mot sur ce que je devais devenir, si je n’allais pas à Londres, et j’ai écrit au chancelier qu’il m’était parfaitement indifférent, quelle que fût la résolution que prît le Roi. Je prévois facilement à quoi on se décidera. Si l’on ne me traite pas comme je le désire, je demanderai sans difficulté ma retraite entière ; c’est au fond ce que je préférerais. Ma fortune n’est pas grande, mais tellement rangée que je puis très bien vivre dans l’indépendance. Je me

  1. Frédéric-Auguste Wolf, philologue allemand.