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à venir me voir ici, mon très cher Alexandre. J’ai pris une maison qui sera assez grande pour te loger, parce que je sais que tu n’es pas difficile sur ce point, car tu sais que les maisons d’ici n’offrent guère de grandes pièces. Mais je voudrais que tu attendisses encore quatre à six semaines avant que de venir, à moins que tu n’y sois déterminé par les raisons importantes que tu m’as fait connaître.

« Pour ton portrait, je désirerais l’avoir ici ; je crains seulement qu’il ne souffre en étant deux fois emballé et déballé. Parles-en un peu à Steuben[1] lui-même. Je suis infiniment touché de toutes tes bontés, mon cher Alexandre, et tu peux être sûr que je les reconnais entièrement. Il nous sera impossible de faire la moindre des choses pour A... Je n’ai aucun fonds pour lui.

« Pour mes livres, c’est-à-dire ceux que j’aurais voulu avoir avec moi, ils sont à Francfort, dans six grandes caisses. J’ai hésité à les apporter ici, et j’ai aussi bien fait, car comment placer cela ? Je ne pensais pas non plus faire un triage, car il aurait fallu tout déranger. Au reste, je doute que je travaille ici précisément pour faire imprimer. Tu n’as pas idée combien les affaires et les occupations qu’entraîne une mission produisent un gaspillage estimable de temps. Cela est encore plus le cas ici qu’ailleurs, où, à cause des énormes distances, on perd une bonne partie de la journée dans les rues, soit à pied, soit en voiture. Mais, ce qui est le principal, c’est que je ne crois pas que je sois longtemps ici, et je suis bien aise d’étudier plus particulièrement les objets qui tiennent à ce pays.

« J’ai vu avec plaisir que tu as été consulté pour les affaires de l’Amérique ; personne ne connaît en Europe ce pays aussi bien que toi. Il est singulier que l’Amérique occupe tant à présent les puissances européennes et même celles qui comme nous, n’y ont presque aucun intérêt. On voit facilement qu’il y a dans ce soin pour l’Amérique beaucoup de sentimens entièrement européens. »

« Londres, 27 octobre. — Je t’ai écrit à Douvres, aujourd’hui, étant incertain si ces lignes te trouveraient encore à Paris[2]. Je suis enchanté de ta résolution de venir ici tout de

  1. Le baron de Steuben, peintre allemand, qui s’était fixé à Paris où il mourut en 1856 et que ses œuvres rapprochent de l’école française.
  2. Alexandre était parti la veille pour Londres.