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l’avant-veille de mon départ, et une petite demi-heure avant le sien. On m’a fait quatre propositions : Les deux que tu connais, l’Australie et le partage du Ministère de l’Intérieur. J’ai refusé péremptoirement ce dernier, et j’ai montré les difficultés du premier. En troisième lieu, on m’a proposé de retourner à Londres pour une année, et de me donner, pour me dédommager des frais du double ménage, telle somme que je demanderais ; refus net de ma part. Enfin, d’aller à Rome (mais après avoir fini ici), pour négocier le Concordat. J’ai dit que ce serait blesser tout ce que je dois à N... qui s’y trouve, et qui est mon ami. On a été fort mécontent, disant que je ne voulais céder en rien, et on a fait l’aveu remarquable que mon attitude serait trop indépendante, si j’étais seulement au Conseil d’Etat et par conséquent sans appointemens. Depuis ce jour, jusqu’au moment où nous nous sommes quittés à Coblentz, les démonstrations extérieures ont toujours été les mêmes ; mais, quoiqu’il eût dit qu’il voulait reprendre la conversation en chemin, il ne l’a pas fait ; je ne l’ai plus vu seul ; il m’a embrassé tendrement, en montant en voiture, et c’est ainsi que nous nous sommes séparés.

« Il n’y a guère de doute que les offres et les propositions qu’on pourra encore me faire seront de même nature, sous différentes formes ; mais je déclinerai fortement tout ce que je ne pourrai point faire accorder avec mes principes et mes convenances. Pour le moment, on me laissera probablement tranquille. Les affaires dont j’ai été chargé me retiendront ici aisément jusqu’à la fin de février et je répands que je veux aller, après, passer quatre semaines aux terres de ma femme : j’écarte, par là, tout soupçon d’empressement de me rendre à Berlin. J’ai vu Schlegel[1] à B... ; il paraît s’y plaire, et y sera sans doute très utile.

« Il serait superflu de dire que son amour-propre continue à être des plus actifs ; mais ce qui m’était nouveau, et ce que je plains, c’est qu’il s’adonne à des recherches dans lesquelles il entre infiniment de détails purement mécaniques, ce qui lui fait négliger ses talens poétiques, etc. Les antiquités de Trêves sont remarquables, et le chancelier a fait beaucoup pour les faire déblayer et nettoyer.

  1. Guillaume de Schlegel, le célèbre critique allemand qui fut l’ami de Mme de Staël.