Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyageurs allemands qui retournent à Francfort ; opposée surtout à celle de tous les diplomates, à l’exception de sir Charles Stuart.

« Tu n’es pas facilement effrayé, mon cher ami ; c’est pour cela que je t’ai écrit avec cette franchise. La France restera très tranquille, s’il n’y a point un choc extérieur. Il est probable que la première nouvelle de la retraite du duc de Richelieu paraîtra hostile aux étrangers. Il est si facile de parler du triomphe des Jacobins ! Quiconque connaît les ressorts de cette petite révolution ministérielle, sait qu’il n’y a rien de haineux pour l’étranger dans toute l’affaire. »

En même temps qu’il rassurait son frère sur la situation des affaires de France, Alexandre de Humboldt se préoccupait de ce frère bien-aimé qu’il savait quasi-brouillé avec Hardenberg et au sujet duquel les journaux publiaient les commentaires les plus contradictoires. Sans nouvelles directes de lui, il en demandait à Frédéric de Schoell qui, après avoir été longtemps attaché à la légation de Prusse à Paris, résidait maintenant à Berlin comme conseiller intime, en possession de la confiance du chancelier.

« 4 février. — Je suis en peine, monsieur, de la position future de mon frère ; je n’en ai aucune nouvelle directe, et j’ose vous prier de m’en dire quelque chose. Savez-vous quelque chose de Francfort ? Pourrais-je voir la gazette officielle qui annonce sa nomination. Ah ! quel déplorable renouvellement de ministres, et comment mon frère, qui sait refuser, peut-il accepter un entresol dans la maison de M. S.[1]. Le rédacteur d’un article qui a paru aujourd’hui dans le Journal des Débats sera extrêmement désagréable à mon frère. Il a frappé et il frappera tous ceux qui lui sont attachés. Ces mots en italique : Le Baron de Humboldt n’est pas Ministre de l’Intérieur, semblent être mis comme de ces grandes nouvelles qui peuvent consoler les hommes monarchiques ; c’est comme si on leur disait : n’en croyez rien, la patrie n’est pas en danger. Avec un peu de décence et de bienveillance, on aurait pu dire que c’était par erreur que... etc. De grâce, dites-moi si vous savez quelque chose immédiatement de Berlin sur la position des choses. »

Quelques jours plus tard, le signataire de cette missive pressante,

  1. Le baron de Schuckmann, homme d’État prussien, directeur de la police à Berlin et qui fut, durant peu de temps, ministre de l’Intérieur.