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toujours en quête d’informations, interrogeait son frère, alors à Francfort.

« 15 février. — Ma dernière lettre, cher ami, t’a été portée par un secrétaire d’ambassade du comte de Goltz à Francfort[1] ; elle traitait longuement du nouveau ministère. J’espère que tu l’as reçue. En attendant, les gazettes françaises (et je ne puis m’en procurer d’autres), disent que tu ès ministre de l’Intérieur, puis elles disent après que tu ne l’es pas ! J’ai compris que, comme la Prusse n’a pas les catacombes du Conseil, dans lesquelles on enterre en France les ministres déchus, on a voulu laisser à M. de Schuckmann un entresol, tout en lui faisant accroire qu’il est encore maître de la maison. J’ai peine à croire que tu aies approuvé cette funeste répartition des ministères ; et comme je n’ai pas de nouvelles, je pense que tout est encore incertain. Donne-moi, je te conjure, quelques éclaircissemens. Un article dans le Journal des Débats, qui commence comme un coup de canon : « M. de H... n’est pas ministre de l’Intérieur, etc., » n’est point de Goltz, mais, d’après ce que je sais avec certitude, de Schoell. La rudesse du style et l’inconvenance du ton me l’avaient fait soupçonner. Déjà Schoell m’a dit qu’il n’y avait mis aucune importance, et qu’il avait voulu seulement rectifier une erreur. Il a la main heureuse !

« Je te ferai passer mon ouvrage sur l’Egypte, mais comme je suis pauvre d’argent dans ce moment, permets que je le fasse relier ici à tes frais, et qu’à tes frais de même, je te l’envoie. »

Au mois de juillet 1819, la lettre suivante, adressée par Alexandre de Humboldt au chancelier de Prusse, prince de Hardenberg, vint prouver à la police combien le préoccupait la situation de son frère. Guillaume avait consenti, après de longues hésitations, à faire partie du ministère prussien, avec l’espoir d’y faire prévaloir ses idées libérales. Mais il semble que le chancelier ne le lui avait ouvert que dans le dessein de le ramener aux siennes et de l’annihiler en les lui imposant, résolu à le briser, s’il ne réussissait pas à les lui faire accepter.

« Paris, 30 juillet 1819. — Monseigneur, depuis un grand nombre d’années, depuis 1793, où V. A. a daigné m’attacher à sa personne et m’honorer de sa confiance, je ne lui ai jamais

  1. C’est la lettre du 9 janvier qu’on a lue ci-dessus. Il est à remarquer que, quoique confiée à un secrétaire d’ambassade, elle avait été retenue par la police, le temps d’en prendre copie.