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après que de se radoucir de son côté, pour que je m’empresse de renouer nos anciennes liaisons, c’est moi plutôt qui me tiens sur un pied de réserve avec lui.

« Le Roi m’a vu seul, le matin après son arrivée, et m’a fait dîner ce même jour avec lui, tandis qu’ordinairement, en pareille occurrence, il s’épargne l’importunité d’une audience. Tout le monde a remarqué qu’il a parlé à table de préférence avec moi, et il a témoigné à Witzleben son contentement de la manière dont je lui avais parlé le matin. Comme c’est uniquement par la confiance du Roi que je puis agir avec succès, tu croiras facilement que je ne négligerai rien pour me le concilier.

« Ma femme et tous mes enfans, excepté Hermann, sont encore à Ems, et je ne les attends que dans sept à huit semaines de retour ici. La santé de ma femme ne va pas mal, mais pas non plus aussi bien que je l’aurais espéré.

« L’envoi de l’ouvrage de Raynouard que je dois sans doute à tes bontés, m’a fait beaucoup de plaisir. Je joins à ces lignes ma réponse pour le comte de Pradel. Je me souviens très bien de l’avoir connu en 1815, mais je n’en ai pas fait mention dans ma lettre ; ce sont des souvenirs qu’il n’est pas agréable de rappeler.

« Les mesures de rigueur qu’on prend ici et en Allemagne, ne sont ni conformes à mes goûts, ni, selon moi, sages et adaptées aux circonstances. Il est heureux pour moi qu’elles aient été prises avant mon arrivée. Je ne doute pas non plus que le moment ne vienne bientôt où je pourrai m’expliquer dans le Ministère qui partage, au reste, mon opinion à leur égard.

« Schoell a donné à sa femme, en badinant conjugalement, un petit coup avec deux doigts sur la main, et elle en a reçu deux plaies dont elle souffre depuis quinze mois ; on a cru qu’il faudrait lui couper les doigts. Quelle gentillesse aimable ! Il est au reste, plus gras et plus gai que jamais.

« Le chancelier, qui ne vient plus dans le conseil des ministres, pense faire de Schoell son envoyé et plénipotentiaire auprès de nous ; mais nous protesterons contre cette manière de traiter les Ministres. Je l’ai déjà fait sentir au prince.

« La princesse de Hardenberg est tombée, le 1er août, en dansant une polonaise avec Wittgenstein. Elle ne peut plus marcher depuis cet accident. »