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Au mois de janvier suivant, le signataire de cette lettre n’était plus ministre. Revenu à ses savantes études, il y cherchait une diversion aux graves ennuis que lui avait causés son passage au pouvoir. Alexandre, en le félicitant de s’être jeté dans le travail, lui demandait quelques détails sur les circonstances de sa chute.

« 22 janvier 1820. — Le courrier ne donne les lettres qu’au moment où les bureaux du comte de Goltz ne veulent presque plus recevoir de paquets, de sorte que j’ai eu à peine le temps, cher ami, de te remercier de tes deux aimables lettres des 2 et 14 janvier, la première contenant la grande nouvelle qui occupe ici tous les esprits, et qui a beaucoup contribué à la célébrité de ton nom. Je m’attendais à cet événement, et je désirerais qu’un jour, je puisse avoir une légère notion des causes les plus rapprochées. Comme je regarde toutes les lettres fermées à cachet volant comme peu sûres, je ne toucherai pas cette corde, ni rien de ce qui tient à la politique. Tu peux ainsi, par conséquent, être sûr que je ne puis influer, de la manière la plus éloignée, sur les absurdes récits des journaux. Je ne vois jamais les personnes qui les font, et je sens combien toute espèce d’influence de ce genre contrarierait la noblesse de ton caractère.

« J’ajoute seulement, quoique ce soit presque un incident politique, qu’avec ta lettre du 2 janvier, j’en ai reçu une du 8 janvier de la main du prince de Hardenberg. Il ne m’avait pas écrit depuis six mois, ni répondu sur une lettre très détaillée que je lui avais écrite. Depuis, je lui avais envoyé un volume. Il m’a écrit que ma lettre du 30 juillet (celle sur les mesures politiques) est allée droit à son cœur, qu’il a plus que jamais le besoin de se rapprocher de moi, de resserrer des liens si anciens. Puis il ajoute :

« Mon cher Humboldt, c’est une bien vive peine que de me voir dans la nécessité de vous mander que l’amitié qui me liait à M. votre frère n’a pu se rétablir lors de son arrivée, je l’ai prié avec instance d’être de nouveau pour moi ce qu’il fut, pendant plusieurs années. Il a cru devoir suivre une ligne tout à fait différente. C’est une des expériences les plus douloureuses de ma vie, mais je n’ai rien à me reprocher. Conservez-moi, vous, toute votre amitié, et comptez toujours sur la mienne. Je crois que votre présence aurait détourné mainte circonstance fâcheuse ! »