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« L’ouvrage d’Égypte, cher ami, est en route depuis cinq semaines. Je suis sûr qu’il te fera grand plaisir. Ne veux-tu pas acheter, ici, le Strabon de Du Theil ? Les notes sur l’Égypte et les rectifications de ce que l’ouvrage renferme d’inexact, par rapport à des citations des anciens, rendent ce Strabon précieux. N’en as-tu pas quelques volumes déjà ?

« Je vois avec ravissement que tu es tout à l’étude, et à celle des langues américaines. C’est comme une marque de ton amitié pour moi. Je ferai traduire ton mémoire en français, et je désire que nous ayons bientôt quelque ouvrage de toi : cela paraîtra très piquant.

« Je commence à voir clair dans le persan, depuis que je suis forcé de travailler, à haute voix, aux deux cours de Sacy et de Langlès[1], devant le public ; cela stimule beaucoup. J’apprends aussi l’arabe chez Sacy. Je t’invite, pour avoir une idée de quelques rapprochemens de ces idiomes avec les langues américaines, de relire les commencemens des chapitres de la belle grammaire arabe de Sacy, et de son précis de grammaire générale philosophique, troisième édition. Il y a des rapports entre les langues américaines et syriaques très curieux, non-seulement par les incorporations, mais aussi par cette grande division de langues pour laquelle les unes ont beaucoup de formes de verbes, d’autres beaucoup de formes et de temps à la fois. »

Le jour où Alexandre répétait à son frère ce que lui avait écrit à son sujet le prince de Hardenberg, il répond au chancelier :

« 22 janvier. — Monseigneur, je ne trouve pas d’expressions pour témoigner assez vivement ma reconnaissance à Votre Altesse pour tout ce que sa lettre, en date du 8 janvier, renferme pour moi de consolant et d’affectueux. Je ne pouvais craindre que la franchise avec laquelle je m’étais exprimé sur l’état moral des peuples ait pu vous déplaire. Vous pouvez blâmer mes opinions ; mais, je le sais, vous avez toujours rendu quelque justice à la pureté de mes sentimens.

« Ce qui est arrivé par rapport à mon frère m’a profondément affligé, et par l’attachement que je lui porte, et par les liens qui, dès ma première jeunesse, m’unissent à votre existence

  1. Silvestre de Sacy et Langlès professaient à la Sorbonne les langues orientales, et notamment l’arabe et le persan.