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politique dans le monde. Je ne connais que les résultats, je me perds à deviner les causes. Je ne conçois plus rien à la marche des affaires, et les rapports mensongers des journaux me déroutent chaque jour davantage. Mais ces liens seront-ils entièrement rompus ? Quitterai-je l’Europe dans cet état d’incertitude ? L’éloignement de mon frère me rend doublement nécessaire votre appui puissant. J’ai montré, je crois, dans toutes les occasions, un dévouement sans bornes pour la personne du Roi. Il me serait douloureux de penser que ce que le temps et quelques travaux ont cimenté, puisse se briser dans la tempête des opinions.

« Je vois avec un plaisir mêlé d’étonnement que Votre Altesse a eu le loisir de lire mon volume. Tout ce que votre lettre renferme à ce sujet, m’a comblé de joie. J’espère pouvoir bientôt vous offrir un nouveau volume. J’ai été assez heureux pour regagner ma liberté comme auteur. Mes anciens libraires ont consenti à résilier le traité. »

On a vu qu’en transmettant à son frère les propos du prince de Hardenberg, Alexandre de Humboldt lui exprimait le désir d’être informé des causes de sa chute. Guillaume se hâta de répondre aux questions.

« Berlin, 3 février 1820. — Mille grâces, mon cher Alexandre, pour ta lettre détaillée et amicale du 22 janvier, et les livres que tu m’as envoyés : ils me sont doublement précieux à présent puisque je puis en faire usage librement. Je ne saurais te dire combien je me félicite du loisir dont je jouis. Je sors très peu ; mes occupations et tout le reste de mon temps dans l’intérieur de ma famille, sont les seules choses auxquelles je me livre. Tu n’as pas d’idée combien le travail est pénible, lorsque, comme c’est mon cas, on a été éloigné de ses études, pendant un grand nombre d’années ; mais je réussirai à m’y remettre entièrement, et je me flatte que je n’en serai plus détaché. Je regarde ma carrière politique comme finie, et je désire vivement que ce soit. Dans le moment actuel, je ne m’occupe absolument de rien qui y soit relatif ; je ne lis même pas les papiers publics, et je ne connais que par les récits des autres ce qu’on me fait l’honneur de dire de moi.

« Je n’ai jamais supposé, mon cher frère, que tu y eusses la moindre part, je connais trop bien ta manière d’agir pour cela. Il est naturel que les gazettes débitent beaucoup de contes