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monarque des Indies orientelles paraît dans la mienne. Un Prince Roïal est le principal acteur du seconde entre les vôtres tragédies, et un Prince Roïal soutient de le même la partie plus intéressant de la mienne. Une trahison est particulièrement l’objet de la troisième, et elle est pareillement le but de ma tragédie. Si je sois bien, ou mal réussi en ce genre de poésie, ceci est cet, que vous devez juger. Contraire ou favorable que soit le jugement, je serai toujours votre très humble fils, Jacques. » On serait étonné que l’œuvre fût bonne ; et en effet elle ne l’est pas. Tout se passe en discours ; l’action manque, et, davantage encore la psychologie. Les vers sont très faciles, sans relief et sans éclat. Telle qu’elle est, elle ne semble pas inférieure à des centaines de tragédies analogues, écrites vers le même temps par ses contemporains, qui ne peuvent pas invoquer l’excuse d’avoir treize ans.

Avec les progrès de l’âge, l’érudition pure l’emporte décidément sur les belles-lettres : c’est la conséquence fatale de son genre de vie. Il apprend le grec sans maître, si vite et si bien, qu’il écrit une lettre dans cette langue à l’un de ses oncles, au bout de quatre mois. Au bout d’un an, il a traduit les œuvres d’Esichios de Milet, expliqué en latin le commentaire de Porphyre sur la vie de Plotin : il fait relier les trois cent cinquante-deux pages de ce volumineux manuscrit, et l’offre à son père : « Aujourd’hui, 31 août 1814, ce travail m’a été donné par Jacques, mon fils aîné, qui n’a pas eu de maître de grec, et qui est âgé de seize ans, deux mois, et deux jours… » Il se met ensuite à l’hébreu, avec la même facilité. Efforts presque surhumains ; études « folles et désespérées, » ainsi qu’il devait lui-même les appeler plus tard ! Lorsque son frère Carlo s’éveille par hasard au milieu de la nuit, il le voit à genoux devant la table de travail, profitant de la dernière lueur de la lampe qui va s’éteindre pour apprendre quelque chose encore, apprendre toujours. Il serait long de suivre ici le détail des œuvres énormes qu’il compose pour déverser son savoir. Cette Histoire de l’Astronomie, qu’il esquisse en 1812 et reprend en 1813, suffirait seule à donner une idée de son immense labeur. Il s’agit de reprendre toutes les théories que les philosophes ou les mathématiciens ont émises sur ce sujet, depuis l’origine des civilisations ; de faire sortir de l’oubli une foule d’auteurs que non seulement le vulgaire ignore, mais que les érudits mêmes ne