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plus visibles, ne sont pas les seuls ; il en est d’autres qui sont encore à demi cachés dans les ombres de sa conscience, où ils s’apprêtent à succéder aux premiers. Déjà ils commencent à se révéler, presque malgré lui. En politique, n’est-ce pas beaucoup que le problème de l’unité soit posé ? Les écrivains de la vieille génération, qui restent de purs artistes de la forme, ne le soupçonnent pas ; ou s’ils le soupçonnent, ils l’évitent avec prudence. L’aborder franchement, au contraire, c’est montrer qu’on n’est pas insensible aux passions qui remuent le pays ; qu’on se jette dans la mêlée, sans crainte, par élan ; et qu’on veut mettre les ressources de l’art au service des idées contemporaines. Le sens de ses paroles changera : mais au moins a-t-il commencé à parler. Les bruits du dehors arrivent jusqu’aux paisibles salles de la bibliothèque et troublent leur silence ; le présent devient plus fort que le passé ; il émeut, il séduit l’adolescent ; il l’arrache à l’étude des civilisations mortes, et l’appelle aux combats d’aujourd’hui. — Voyez encore comment l’esprit critique apparaît, dans les œuvres mêmes qui sont destinées à défendre la tradition. Cet Essai sur les erreurs populaires des anciens, qui se terminait par une profession de foi si capable de satisfaire Monaldo, commençait par une phrase qui aurait dû l’inquiéter. « Croire une chose parce qu’on l’a entendu dire, et qu’on n’a pas pris la peine de l’examiner, fait tort à l’intelligence humaine... » Lorsque Giacomo appliquera au contenu de son esprit la maxime qu’il pose ainsi lui-même, c’en sera fait des autorités qu’il suit. — Il nous dit qu’il vit tranquille dans son état, parce qu’il espère la gloire. Mais quand la gloire a-t-elle permis qu’on vécût tranquille dans son état ? L’attraction qu’elle exerce n’est-elle pas le principe de toutes les activités, et la cause de tous les changemens ? Or il l’aime passionnément ; il est possédé par elle. Il la désire à la façon des Latins, ses ancêtres : non pas une gloire dont il soit seul à jouir, par la conscience de son mérite personnel ; mais une gloire que la collectivité reconnaisse, et qui ait quelque chose de social ; comme Cicéron ou comme Pétrarque, il entend que son nom vole un jour sur les lèvres des hommes. Il en résulte qu’à un moment donné, la célébrité que procure l’érudition, trop limitée, trop technique, ne lui paraîtra pas un but suffisant pour ses efforts ; il reviendra à la poésie. Aussi bien la source de ses vers n’a-t-elle jamais été tarie ; tout au plus est-elle intermittente,