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on discutait littérature, avec la conviction qu’établir l’unité des esprits, c’était préparer l’unité matérielle. Avec l’appui du gouvernement, qui aimait mieux surveiller et diriger ce mouvement irrésistible que de s’opposer inutilement à lui, on avait fondé une grande revue, la Bibliothèque italienne, qui devait concentrer, pour ainsi dire, le patriotisme de tous les écrivains et de tous les lecteurs. Des provinces les plus lointaines, les collaborateurs les plus illustres avaient promis leur concours : jamais on n’avait vu dans la péninsule entreprise mieux conduite, ou qui fît concevoir de plus belles espérances. Un autre journal, le Spectateur, rédigé sur le modèle du Spectateur de Malte-Brun, tenait les esprits au courant des nouveautés de la littérature européenne. La Toscane était endormie, Rome morte ; la réaction sévissait à Naples : à Milan renaissait l’espoir. Or Monaldo, pour les besoins de sa bibliothèque, était en relations constantes avec le premier des libraires de la place, Stella. Il eut l’idée d’utiliser ces rapports pour la publication des œuvres de son fils, et envoya comme exemple l’Essai sur les erreurs populaires des anciens, et la traduction de Fronton. A vrai dire, la Bibliothèque italienne n’accepta ni l’un, ni l’autre, ni même un article que Giacomo envoya directement, et qui est précieux pour nous. Mme de Staël, venue en Italie pour guérir son jeune mari Rocca, avait fait paraître, dans la grande revue milanaise, un article sur les traductions. Elle blâmait la manière italienne d’embellir en traduisant ; elle conseillait l’imitation des Anglais et des Allemands plutôt que celle des Français. Une âpre polémique s’en était suivie ; et Giacomo, du fond de sa province, essayait d’élever la voix pour répondre à Mme de Staël. Voix trop faible et trop lointaine : on ne l’entendit pas. Mais au mois d’août, Stella, qui faisait une tournée commerciale à travers l’Italie, vint à Recanati, et fit personnellement la connaissance de son correspondant. Et il lui ouvrit l’accès du Spectateur. Avec quelle émotion le jeune écrivain ne dut-il pas recevoir le numéro de la revue qui contenait son premier article ! Quel bonheur de se voir imprimé, de se savoir lu d’un bout à l’autre de l’Italie, et hors de l’Italie même ! Toute cette science, si péniblement acquise, allait trouver son emploi légitime ; toutes ces réserves accumulées allaient s’épancher au dehors ; ce grand désir d’être estimé et loué était enfin comblé. Seulement, il était naturel que ce premier succès lui en fit souhaiter d’autres ; et que ce