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pindarique de 1593 ; qu’ensuite, un peu moquée peut-être pour ce passage-là, elle s’est résignée à le pâlir en 1635.

L’exemplaire de Bordeaux me donnerait bien, ce me semble, un peu raison. L’exemplaire de Bordeaux ne contient ni l’un ni l’autre des textes ci-dessus rapportés. Dans l’exemplaire de Bordeaux il n’y a rien que, ajouté à la main, après les mots : « événemens de mon temps, » les lignes : « comme aussi... homme de guerre expérimenté » qui se rapportent à La Noue ; mais entre : «... homme de guerre expérimenté » et « comme aussi... » il n’y a rien du tout.

Il est vrai qu’après « événemens de mon temps » il y a dans le texte imprimé un signe (I) renvoyant à l’ajouté manuscrit de la marge et qu’il y a, après l’ajouté manuscrit marginal, une (+) et enfin, que, depuis cette croix jusqu’au bas de la marge gauche et débordant sur la marge d’en bas, il y a une forte maculature pouvant faire supposer un béquet, comme nous disons, ou un brevet, comme on disait alors, qui aurait été collé sur ces deux marges.

Il faut tenir compte de cela ; mais évidemment il n’autorise point à assurer qu’il y eût à cette place un éloge de Mlle de Gournay, ni surtout l’un ou l’autre des éloges ci-dessus transcrits. J’incline toujours à penser que ces éloges sont de Mlle de Gournay elle-même.

Ce n’est pas l’avis de M. Strowski, à qui j’ai soumis mes doutes, qui, avec une bonne grâce dont je lui suis très reconnaissant, s’est remis à étudier cette petite question et qui, avec une photographie de la page dont il s’agit de l’exemplaire de Bordeaux, m’adresse la lettre suivante :

«...Au point de vue paléographique, je n’ai rien à ajouter à la note très exacte de M. Schiff (pages 13 et 14). Il est très vrai que l’éloge de Mlle de Gournay manque dans le manuscrit. Il est très vrai aussi qu’à cette même place il y a un signe de renvoi et que la marge maculée laisse à supposer que quelque bout de brouillon, quelque brevet, avait été justement collé en cet endroit... Mais on peut se demander pourquoi Montaigne a collé ce brevet au lieu de le recopier. La marge est assez grande pour contenir la copie. Or, s’il a quelquefois recours au brevet et à la colle, c’est quand la marge, trop petite, ne peut contenir ce qu’il y veut mettre. Concluons donc que le brevet date d’un moment où Montaigne n’avait plus la force de recopier