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L’œuvre est d’un élève, de Jacques Daret ; c’est donc avec le maître de celui-ci, avec Robert Campin qu’il faut identifier le grand peintre anonyme.

La critique va-t-elle suivre une seconde fois M. Hulin ? Sa confiance sera sans doute un peu moins vive. Les sujets que M. Hulin vient de rapprocher ont bien fait partie d’une même décoration ; ils furent bien commandés selon toute vraisemblance par Jean du Clercq pour l’abbaye de Saint-Vaast. Mais où est la preuve que Jacques Daret les peignit ? Le critique ne cite à cet égard aucun texte décisif. La vie, la carrière du maître de Flémalle, l’ordre de sa production, l’évolution de son génie restent autant d’impénétrables mystères, et nous pouvons encore répéter ce que nous écrivions il y a deux ou trois ans : heureux le critique qui sera l’Œdipe de ce Sphinx !

Le maître de Flémalle est modestement représenté à Charleroi (une réplique discutable de la Vierge de Somzée venue de Roubaix et la réplique de la Trinité que possède le musée de Louvain). Son grand condisciple Rogelet de le Pasture figure à ses côtés avec un petit portrait très précieux de la collection Cardon et la dramatique Pietà du musée de Bruxelles. On sait qu’il reste plus d’un point à élucider dans la carrière de Roger de le Pasture, devenu universellement célèbre sous le nom de Roger van der Weyden ; bien des œuvres s’inscrivent sans doute à tort à son catalogue ; mais il serait tout de même exagéré de le considérer comme une entité qui n’existe dans l’histoire de l’art que par le prestige d’un nom illustre et la gloire d’un génie dont seul le reflet subsiste dans des œuvres de disciples données par erreur au maître. Telle est la thèse qui se fait jour. Il ne m’est pas possible de l’adopter en toute sa rigueur. Le plus grand représentant de l’école tournaisienne, qui devint le fondateur de l’école bruxelloise, est vraiment plus qu’un symbole. Ne nous attardons pas aux obscurités de sa vie et disons plutôt ce qu’on en sait. Né à Tournai entre 1397 et 1400, il fit son apprentissage chez Robert Campin. Il n’acquit la maîtrise dans sa ville natale qu’en 1432, alors qu’en 1426 il était déjà installé à Bruxelles, marié, père de famille, et que, vers 1430, ses œuvres étaient déjà recherchées à l’étranger. Mais n’avons-nous pas vu que l’appresure n’était qu’une espèce de formalité ? Tout en restant inscrit comme apprenti chez Campin, Rogelet avait pu très bien acquérir la franchise de métier à Bruxelles où