Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/356

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Douai ; Jean Bellegambe s’y montre merveilleux architecturiste et peintre orfèvre. Le polyptyque n’est pas intact. Tel quel, il eût fait excellente figure au musée de Bruxelles auquel le docteur Escalier de Douai offrit de le céder avant de le vendre à ses concitoyens. Les deux tableaux de Bellegambe envoyés à l’exposition de Charleroi : l’Adoration de l’Enfant Jésus (1528) et le Christ entre les mains des bourreaux proviennent de cette antique et puissante abbaye de Saint-Vaast où nous conduisit Jacques Daret. Les qualités et les faiblesses de Bellegambe s’y harmonisent en une formule très sympathique. Ce maître, au pinceau un peu mou, aimait peindre des trognes avinées de tortionnaires. Il les prodigue dans un Martyre de sainte Agathe envoyé à Charleroi par M. Kleinberger et où s’impriment tous les caractères de son art.

Mons ne passe point pour un grand centre de notre peinture primitive. Pourtant la ville possède au XVe siècle une connétable de peintres, verriers, brodeurs, tapissiers, relieurs, sculpteurs et graveurs. Les statuts en furent renouvelés le 14 juillet 1487 ; leur connaissance complète les notions que la vie de Campin et Daret nous fournissent sur les devoirs, les droits corporatifs des artistes « syndiqués » à la fin du XVe siècle. L’apprentissage était de trois ans ; admis à la maîtrise après la production du chef-d’œuvre, l’artiste payait un droit, s’il n’était pas fils de maître. À chaque enfant qui lui naissait, il était tenu de faire un nouveau versement ; en échange, la gilde intervenait dans diverses occasions solennelles dont les deux principales étaient les noces et les obsèques. L’emploi de mauvaises couleurs était puni d’amende ; de rigoureuses prescriptions protectionnistes enlevaient aux maîtres étrangers le désir de venir lutter à Mons avec les artistes locaux. C’est dans ce milieu que naquit en 1462 Jean ou Jehan Prévost (en flamand, Johan Provoost)[1]. Mons ne sut point retenir ce peintre très doué. Après avoir acquis la maîtrise à Anvers en 1493, Prévost s’installe à Bruges où nous le trouvons inscrit au registre d’admission à la bourgeoisie le 10 février 1494, comme étant né à Mons en Hainaut. Lui aussi est à la fois ouvrier d’art et peintre en fines couleurs.

  1. Cf. Devillers, Léop., le Peintre Jean Prévost de Mons, dans la Revue Wallonia, 1903, p. 289.