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Coeck, — lequel fut aussi le maître de Breugel l’ancien, — Lucidel était installé à Nuremberg en 1561 et travailla ensuite à Prague. Il fit trois fois le portrait de l’empereur Maximilien II et de sa fille aînée, l’archiduchesse Anna. Ses œuvres conservées sont nombreuses et souvent cataloguées sous le nom de Holbein. Il manque d’expression dans ses originaux féminins ; les grandes robes noires et les chaînes à la vieille mode nurembergeoise ne contribuent point d’ailleurs à les animer[1]. Ses portraits d’homme sont en revanche pleins de vérité, sobres et saisissans. Le portrait du Mathématicien Johann Neudörffer avec son fils (pinacothèque de Munich) est justement considéré comme son œuvre capitale. Le musée de Budapest a consenti à prêter à l’exposition de Charleroi les portraits de Hans Heinrich Pilgrim, de Bois-le-Duc (daté de 1561) et de sa femme. Hans Pilgrim, tout de noir vêtu ; silhouetté avec une finesse extrême, haussant sa tête pâle et morose sur son torse nerveux, est d’une représentation infiniment supérieure à celle de son insignifiante épouse. Un portrait de vieille dame de la collection Cardon (daté de 1572), attribué avec vraisemblance à Lucidel, a plus de vie et d’accent que celui de frau Pilgrim. Les œuvres de ce maître montois, dont l’art s’apparente à celui de Holbein, de Moro et de certains vénitiens de la terre ferme, sont exposées à Charleroi en regard des fragmens qui nous restent d’un jubé monumental élevé dans la collégiale de Sainte-Waudru, à Mons, par l’architecte-sculpteur Jacques Dubrœucq (né à Mons au commencement du XVIe siècle, mort en 1584). Ce Dubrœucq, de qui Jean de Bologne reçut ses premières leçons, fut un décorateur éminent, un ingénieux compositeur de bas-reliefs dramatiques et un délicieux arrangeur de draperies. Il parle un langage romain, et le sentiment de ses figures est assez conventionnel. D’ailleurs, il est difficile de juger de leur mérite dans une salle d’exposition ; une telle sculpture réclame son cadre architectural. Le jubé de Sainte-Waudru fut démoli à la fin du XVIIIe siècle. On rêve, dit-on, d’en utiliser les fragmens pour un nouveau maître-autel de la vieille église. Cette solution ne me paraît pas très heureuse ; dans de tels cas, on peut recourir, semble-t-il, à l’hospitalité d’un musée. La Commission des Monumens est saisie du problème. Souhaitons-lui de le traiter avec sagesse.

  1. Cf. Wurzbach, Niederländisches Künstler-Lexikon, 1909.