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Jean Gossart, appelé également Mabuse, Malbodius, Mabusius, Malbogie et Melbodie, naquit vers 1470 à Maubeuge, petite ville de l’ancien comté de Hainaut[1] ; son éducation artistique fut vraisemblablement toute flamande. L’une des miniatures du bréviaire Grimani portant sa signature, nous pensons qu’il a travaillé dans l’atelier de Gérard David à Bruges ; il y a lieu de croire aussi qu’il s’inscrivit parmi les maîtres d’Anvers, — un Jennyn van Hennegouwen (Jean de Hainaut) figurant dans la gilde anversoise en 1503. Voici donc encore un maître wallon formé aux disciplines flamandes, — un artiste parfaitement belge par conséquent. Il joue vraiment le rôle d’un peintre national, et nos souverains et mécènes utilisent son talent sans répit. Il doit à leur faveur d’avoir fait le voyage d’Italie dans des conditions que ne connut point Roger van der Weyden.

Envoyé en ambassade auprès du pape Jules II, le bâtard de Bourgogne Philippe amena son historiographe Guillaume de Nimègue et ses deux peintres ; l’un des deux était un vieux maître vénitien qui avait longtemps séjourné en Allemagne, puis était venu dans les Pays-Bas, Jacopo dei Barbari ; l’autre était Jean Gossart. On organisa en l’honneur de Philippe de Bourgogne des réceptions magnifiques à Vérone, Florence et Rome. Jules II s’éprit de cet ambassadeur septentrional qui connaissait la peinture et la sculpture pour les avoir pratiquées, discutait bases, colonnes et couronnemens en architecte versé dans la science vitruvienne, qui dissertait aussi bien que quiconque de fontaines et d’aqueducs. « Rien ne lui plaisait tant à Rome, — dit Guillaume de Nimègue, — que de contempler ces monumens de l’antiquité qu’il faisait peindre par l’éminent artiste du nom de Jean Gossart de Maubeuge, quæ per clarissimum pictorem Joannem Gossardum Malbodium depingenda sibi curavit. » On peut être assuré que Mabuse, guidé par Jacobo dei Barbari, visita les ateliers de ses confrères italiens ; S’il s’appliqua à connaître les architectures antiques, il s’exerça avec non moins d’ardeur à pénétrer les secrets du sfumato léonardesque... Revenu dans les Pays-Bas, il suivit son maître au château de Zuytburg, puis à Utrecht où Philippe de Bourgogne reçut la mitre épiscopale en 1517 et mourut en 1524. Un autre grand bâtard bourguignon, Adolphe, seigneur de

  1. Les textes concernant Jean Gossart ont été rassemblés par M. Maurice Gossart, Jean Gossart de Maubeuge, Sa vie, son œuvre. Lille, 1902.