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à ses personnages, avait obéi au même idéal dans son Adoration des Offices. Peu de temps après son retour d’Italie, Gossart peignait pour la chapelle des peintres de Malines (cathédrale de Saint-Bombaut), le magnifique et précieux retable où l’on voit Saint Luc peignant la Vierge. C’est la Prager Dombild, enlevée par l’empereur Mathias aux Malinois, réclamée vainement par ces derniers, déposée à la cathédrale de Prague et transportée finalement au musée de cette ville. Cette fois l’idéalisme de la Madone annonce la pénétration raphaëlesque en Flandre ; les architectures s’inspirent de Bramante. D’autres œuvres de Gossart dérivent de Jacopo dei Barbari, de Dürer, de Léonard de Vinci et même de Michel-Ange. Dans ses portraits, l’artiste se préoccupe du chiar-oscuro des Lombards contemporains, de la vérité de Durer et de Holbein, de l’élégance des Vénitiens de la terre ferme, — tout en peignant avec une énergie et un calme tout flamands comme on peut l’observer dans le Saint Donatien du musée de Tournai (volet d’un diptyque démembré), dans le portrait d’homme du musée de Bruxelles, dans son propre portrait de la collection Kauffman et dans le profil typique d’un prélat (collection Cardon) exposés à Charleroi. On peut se demander si le Gentilhomme à l’œillet et le Gentilhomme aux belles mains, envoyés également par M. Cardon, n’enrichissent pas indûment le catalogue de Jean Gossart. Ce sont des morceaux fastueux dont le peintre de Philippe de Bourgogne n’aurait pas eu à rougir. Mais tout grand virtuose qu’il fût, Mabuse ne déploya jamais l’étonnante désinvolture de l’auteur de ces portraits. Ces deux seigneurs ont été abondamment célébrés par la critique, et c’est justice ; le premier évoque les modèles de Boltraffio ; le second, en manteau de fourrure, pourpoint brodé, double chaîne d’or (broderies et bijoux sont dorés au métal et gravés dans la pâte) doit sa désignation à ses mains vives, fines, « botticelliennes. » On a prononcé pour le Gentilhomme à l’œillet et le Gentilhomme aux belles mains le nom de Jean Clouet. La question des « Clouet, » peintres de la cour de France est à peu près aussi confuse que celle du maître de Flémalle. Un Jean Clouet habitait Tours au commencement du XVIe siècle ; on croit pouvoir lui donner un François Ier et un Montmorency du Louvre. Certains critiques le tiennent pour l’auteur des deux Gentilshommes de la collection Cardon et des Ambassadeurs de la National Gallery attribués à Holbein.