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à l’égal des meilleures productions françaises contemporaines. Tous ces artistes sont au catalogue de l’exposition comme aussi Pater, François et Jean-Baptiste Watteau. Quelle tentation de parler longuement du Bain, — un morceau royal vraiment, — prêté par Son Altesse le duc d’Arenberg ! L’attribution à Jean-Baptiste ne doit-elle soulever aucun doute ? Que penser de la « wallonisation » du peintre de l’Embarquement ? La compétence nous fait défaut pour répondre au premier point[1] et la place pour traiter le second. Nous devons nous borner aussi à citer les artistes belges du XIXe siècle, nés en Wallonie : le classique Navez (de Charleroi), les romantiques Gallait (de Tournai) et Wiertz (de Dinant), les paysagistes Fourmnois (de Prestes) et Hippolyte Boulenger (de Tournai), et puis Félicien Rops (de Namur), le terrible Rops « qui a tout profané même l’amour, » mais qui fut le génie du dessin en personne, et aussi... Constantin Meunier qui, sans être Wallon, tira le premier « de cette région de forcené labeur un art d’humanité que le monde ignorait encore[2]. » La rétrospective des maîtres modernes évoque, comme celle des maîtres d’autrefois plus d’une vie glorieuse.

Sans prétendre découvrir, parmi tant d’expressions diverses de la sensibilité wallonne, les accens originaux et les émotions libres par quoi s’affirme l’âme d’une race, ne pouvons-nous tout au moins discerner dans les œuvres capitales les traits propres au génie de cette race et consentir à l’autonomie de sa production artistique ? En ramassant dans cette trop sèche étude des faits connus et contrôlés, notre étonnement admiratif pour l’abondance et la beauté de la production wallonne n’a cessé de grandir ; mais nous ne nous estimons pas suffisamment éclairé pour répondre de l’existence d’une peinture wallonne indépendante. La rigueur des apprentissages, l’intervention des maîtres dans l’immense champ de l’art décoratif, la valeur intellectuelle des grands artistes, leur extrême conscience

  1. Le délicieux tableau, qui représente une jeune femme nue sortant du bain et autour de laquelle s’empressent des soubrettes, est généralement attribué aujourd’hui à Pater.
  2. Camille Lemonnier. Le Hainaut, terre d’art et de travail (dans le volume les Arts anciens du Hainaut).