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Tout en refoulant un ennemi désorganisé qui n’oppose plus de résistance sérieuse, les troupes du général Moinier continuent leur marche à travers les champs où les cadavres épars et les moissons foulées révèlent l’importance numérique des adversaires qu’elles combattent. Quinze cents hommes, peut-être, ont dû sauver ce jour-là l’honneur des tribus orientales de la grande famille des Béni Mtirs.

Vers deux heures de l’après-midi, l’avant-garde arrive à Bahlil qu’elle traverse rapidement. La population s’est enfuie dans les rochers voisins. Seuls, quelques fanatiques ont disputé le passage dans les rues étroites du bourg. Un lieutenant-colonial, un sergent de légion étrangère, sont blessés, deux soldats tués : mais cette résistance est vite brisée. Un parlementaire, porteur d’un drapeau blanc, escorté d’un paysan conduisant un gros veau, emblème d’intentions pacifiques, se présente au général en chef, tandis que des coups de fusil isolés partent encore de la montagne. El la sonnerie « Halte-là » fixe toutes nos fractions sur leurs emplacemens ; l’interprète officiel signifie à l’envoyé des Béni Mtirs les conditions de l’armistice demandé.

Dans une prairie bien verte, séparant deux contreforts boisés qui se soudent au pied de Bahlil, le général en chef, ses commandans de colonnes, les états-majors, les représentans de la presse, une batterie d’artillerie, des officiers venus en curieux, forment un groupe éclatant et pittoresque. Au parlementaire qui s’humilie, le général fait expliquer ses volontés. Bahlil doit être évacué ; la mélinite va bouleverser les maisons qui ont abrité les derniers combattans ; douze notables se constitueront en otages et livreront les fanatiques dont les coups furent funestes à quatre des nôtres ; un délai de vingt minutes est accordé aux habitans pour accepter ces conditions. Sur les pentes qui dessinent un cirque autour de la prairie, des troupes étagées observent avec intérêt cette conférence. Vestes rouges des spahis, ceintures écarlates des Algériens, uniformes kaki des marsouins, manteaux bleus des goumiers, plaquent des touches gaies dans le vert sombre des champs et des bois. Dans les roches inaccessibles du Pic Souk-Zou, deux ou trois énergumènes font, par intervalles, parler une poudre bruyante, en signe de patriotique protestation. Sur les crêtes dentelées, de vagues formes humaines apparaissent, descendent en toute hâte