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adroitement dégagé par les nôtres, elle envoie quelques salves qui arrêtent aussitôt les assaillans. Ils se dispersent, font demi-tour, et disparaissent comme s’ils s’étaient enfoncés dans le sol. L’étroite vallée de l’oued Ouislan, sillon rocheux de 300 mètres de largeur et de 50 mètres de profondeur, invisible de la route, leur sert de refuge et aussi de barrière, que leurs fantassins vont défendre âprement.

Le combat se déroule suivant le rite ordinaire des rencontres antérieures. Contre les ennemis, dont les moissons hautes ne permettent pas d’apprécier le nombre, nos goumiers se lancent avec entrain. Leur ligne progresse méthodiquement sous le feu ; les Béni Mtirs ne lâchent pied que lorsqu’ils aperçoivent marsouins et tirailleurs algériens, déployés à leur tour, et qui s’apprêtent à intervenir. Ils battent prestement en retraite, dévalent au bord de l’oued Ouislan, poursuivis baïonnette haute par les goumiers qui les atteignent, tandis qu’ils cherchent un passage, et qui en massacrent plusieurs sans pitié. Les autres, en remontant les pentes abruptes de la rive opposée, sont accueillis par les feux bien ajustés de notre deuxième ligne, qui leur font éprouver des pertes importantes. En moins de deux heures, notre infanterie a passé le ravin devant lequel un ennemi habile et résolu aurait pu nous immobiliser longtemps. L’artillerie dont l’intervention a été très efficace, va traverser à son tour, et si l’opération est moins théâtrale que la veille, si l’on n’y voit pas des attelages enlevés au galop dans la poussière d’un sentier de chèvres, elle n’en est pas moins délicate et dangereuse. Un maréchal des logis roule sous un caisson renversé ; on l’emporte à moitié mort. Sur la droite, les Béni Mtirs semblent disposés à profiter de la ligne de défense formée par le « mur des chrétiens. » Quelques coups heureux de notre matériel de montagne les chassent de leurs créneaux et des bois d’oliviers où l’infanterie les poursuit vivement.

Vers midi, une accalmie se produit. Fusils et canons se taisent. D’après des émissaires, la discorde règne à Meknès, entre les partisans de la soumission immédiate et les chefs les plus compromis de la rébellion qui voudraient obliger Moulay-Zin à prendre le commandement direct de ses troupes. Les caïds des tribus Béni Mtirs et Guerouans sont venus faire un suprême effort en faveur de la résistance. Ils terrorisent les Juifs qui, menacés d’un pillage général, sont obligés de livrer