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les efforts de nos sapeurs. Le mirador branlant qui la couronne laisse voir un canon boiteux, dont les Imaginatifs de la colonne ont cru, pendant le combat, percevoir les lointaines détonations. Cette porte fermée, emblème des sentimens indigènes, doit céder à la. violence pour que les destins soient accomplis. Et, fiévreusement, les soldats du génie préparent un fourneau de mine, savamment calculé pour ouvrir le passage sans démolir le rempart. Dessinant un vaste demi-cercle, les généraux, les états-majors, les représentans de la presse, les curieux bigarrés de tous les corps de la petite armée, les mercantis et les chameliers forment une foule aux couleurs éclatantes, qui bavarde et qui attend. Mais le demi-cercle s’agrandit, à la prière de l’officier qui va donner le signal du geste destructeur. Un mince flocon de fumée paraît à l’extrémité du Bickford ; l’attente semble interminable, le résultat incertain, et les impatiens proposent de rallumer le cordeau porte-feu qui doit être éteint. Tout à coup, un épais nuage noir, haché de volutes grises, fuse de l’arcade qui semble chanceler ; une détonation sourde retentit ; le nuage grandit, rase la terre, balaie la poussière et s’évanouit dans le vent. Des photographes se félicitent bruyamment d’avoir saisi l’instant précis du cliché sensationnel. On se précipite pour voir les résultats de l’explosion : le porche, le mirador, la porte elle-même sont intacts ; le petit canon est toujours instable sur son affût ; mais les madriers qui servaient de barricade sont pulvérisés. Les ais disjoints s’écartent sous d’habiles pesées ; la barrière morale dressée par la révolte vaincue s’ouvre toute grande sur les jardins déserts.

Cet épisode a détourné l’attention des curieux qui n’ont pas vu l’arrivée de Moulay-Zin, dont la présence dans notre camp consacre le triomphe diplomatique et guerrier du général en chef. Près de la porte violée, des lentes se dressent, qui vont abriter le prétendant malheureux. Gros, le visage disparaissant dans la barbe noire et sous le capuchon relevé de son burnous blanc, l’ancien sultan de Meknès paraît satisfait du dénouement dont notre intervention supprime les conséquences tragiques. Il semble heureux d’être débarrassé de toutes les intrigues, de toutes les difficultés où se débattait sa pauvre intelligence, et qui gênaient ses goûts tranquilles de matérialiste raffiné. Sûr d’être accueilli à Fez sans affection, mais aussi sans dommage,