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jardins un petit pavillon appartenant au Maghzen, pour y établir l’hôpital de campagne, aussitôt encombré par les malheureux blessés de Bahlil, les victimes de la journée, les malades que guettaient la typhoïde et la dysenterie. Dans la salle pavée de mosaïques vertes et blanches, protégée contre le soleil par un large péristyle aux fines colonnettes ornées de délicates sculptures, les matelas indigènes, achetés par un médecin ingénieux, s’alignaient, recouverts de moustiquaires hâtivement cousues par des lingères diligentes. Autour de ce pavillon, un vaste parc ombragé d’orangers séculaires, de figuiers géans, de grenadiers en fleurs, attendait les premières sorties des convalescens. Tout proche, masqué par des haies touffues d’aloès, le petit cimetière bientôt insuffisant, où les tombes d’un goumier, d’un tirailleur algérien, tués le matin même, soulevaient leurs tumuli jaunâtres, ornés de fleurs déjà desséchées. Dans la cour d’honneur d’un château en ruines, dont l’ombre couvrait le pavillon, quatre canons Krupp, deux mitrailleuses Maxim, bien entretenus, mais sans munitions, attestaient les gaspillages du Maghzen et l’incurie des insurgés.

Après avoir ainsi maté l’anarchie à Meknès, il n’y avait plus qu’à rentrer à Fez en semant une salutaire terreur, par l’exhibition de nos forces militaires, dans la région troublée du Zerhoun. Ces deux journées de repos avaient rendu la vigueur à nos troupes, qui ne devaient plus, d’ailleurs, parcourir que des étapes relativement courtes. Et, le 11 juin, on se met en route dans la direction du Nord.

Sur le chemin raboteux, coupé de fondrières, qui longe la face orientale de l’Aguedal et les remparts du quartier musulman, la colonne serpente, interminable. Au passage des portes, des ravins et des ponts, les chameaux s’effarent, s’arrêtent, repartent au milieu des imprécations de leurs « sokkras, » et causent de fâcheux à-coups dans la marche. Enfin, après quatre heures de piétinemens égayés par le spectacle de la foule curieuse qui, du haut des murailles, contemple le défilé, on laisse en arrière la porte monumentale de Bab-Berdaïn. Le convoi se reforme en bon ordre après avoir franchi une dernière fois l’oued Bou-Fekran sur un beau pont en pierre, et les troupes arpentent d’un pas léger la piste qui traverse le pays des Guerouans et va longer le versant occidental du Djebel Zerhoun. Pendant une heure encore, les forêts d’oliviers, les