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Fractionnée en trois colonnes afin de montrer partout, dans le territoire des Guerouans nos troupes triomphantes, la petite armée se réunit auprès du camp Petitjean. Le poste, de création récente, a été fondé pour maintenir dans la tranquillité les villages des Béni Amars, qui furent au nombre de nos adversaires pendant le combat du 25 mai. Il montre, sur le plateau, les lignes compliquées de ses parapets, les talus sombres d’un réduit assez important pour défier l’artillerie de campagne la plus perfectionnée. Et l’on songe à l’inutilité de ces travaux gigantesques, exécutés en un mois par un bataillon de marsouins, des bigors et des Algériens, que les terrassemens ont dû exténuer. Le désir de se montrer plus entendu que le voisin fait ainsi construire partout des ouvrages de fortification semi-permanente contre un adversaire dépourvu de canons et d’explosifs. Une simple tranchée pour tireur debout, quelques rangées de trous-de-loup peu profonds, suffiraient cependant pour assurer la sécurité de postes provisoires qui seront bientôt évacués. Le temps employé à élever des redoutes, qui feraient bonne figure sur les côtes de la Meuse, serait plus avantageusement consacré à l’aménagement d’abris plus confortables que la petite tente. Quelques centaines de francs paieraient aux indigènes apaisés les matériaux qu’ils seraient heureux d’échanger contre les piastres françaises ou les douros hafidiens.

Mais, à la sonnerie des vaguemestres qui couvre les bruits saccadés de la télégraphie sans fil dont le pylône grêle domine le camp Petitjean, des hurlemens de joie ont répondu dans les bivouacs. Depuis cinq semaines environ, les troupes lancées vers Fez sont restées sans lettres et sans journaux. Cette privation de nouvelles semble inexplicable dans un pays que des bateaux quotidiens placent à quatre jours de France, où les communications de l’arrière vers l’avant peuvent être facilement protégées, où les courriers de la poste civile française circulent chaque jour entre Tanger et la capitale qui reçoit lettres et journaux datant à peine d’une semaine. Mais, en y réfléchissant, le rôle négatif du Trésor et des Postes aux années n’étonne plus. Dans le corps expéditionnaire, les grands services de santé, de l’intendance, le génie lui-même, sont si mal dotés, que les doléances des parens pauvres, tels que les vétérinaires ou les payeurs, sont négligeables et sans effet. Quand les paniers des médecins de bataillon sont dépourvus de