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IV

Aux premières lueurs de l’aube, le samedi 15 juin, il apparaissait comme évident que la situation, de part et d’autre, ne pouvait se prolonger sous cette forme. Le pouvoir encore existant ne semblait pas susceptible de glisser plus bas. Les nouvelles des comtés étaient aussi détestables que possible. Si les Communes d’Essex avaient effectué leur dispersion, le Suffolk, le Hertshire, se soulevaient à leur tour. Les gens du Herts, la veille, agglomérant tous les ruraux de l’abbaye de Saint Albans, s’étaient mis en marche sur la capitale, et avaient même pris contact avec les chefs des bandes de Kent. D’autre part, les révolutionnaires se trouvaient dans la nécessité d’aboutir. Leur succès commencé voulait une solution. Il leur fallait, ou bien achever d’asservir, ou bien supprimer totalement, si amoindris et défaillans qu’ils fussent, les derniers vestiges gouvernementaux qui semblaient survivre aux scènes anarchiques de Londres et à la dépossession de la Tour.

Aussi bien, sous la pression des faits, quelques pourparlers s’engagent. Ils s’engagent entre le prince et le vrai maître de la Cité, avec Wat Tyler, dont la journée de la veille a décidément assis la réputation de chef et d’entraîneur de masses. Le successeur d’Edouard III négociait avec le roi des Communes. Richard de Bordeaux devait à présent traiter d’égal à égal avec Wat Tyler de Maidstone.

Une entrevue se décide. Elle est organisée pour l’après-midi même, aux portes de la ville, sur le terrain bien connu de Smithfield, où se tenait encore, à une époque toute récente, le vendredi, le traditionnel marché aux chevaux dont parle curieusement Froissart.

Le roi, vers le début de l’après-midi, quitte son abri de hasard. Il se rend à l’abbaye de Westminster. Il fait route par le Strand, en côtoyant les décombres des forges incendiées l’avant-veille, le Temple mis à sac, et les ruines fumantes du Savoy. Un peu plus, il croisait en chemin la sanguinaire cohorte qui entraînait de l’abbaye vers la ville le maréchal Richard d’Inworth, arraché de l’autel où il étreignait la châsse de Saint-Edouard, et destiné au glaive déjà prêt qui l’attendait sur le Cheap. Parvenu cependant sans dommage à Westminster, le