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Je reconnais l’implacable hantise
Qui fit frémir tout mon être d’émoi,
Et l’ancien feu que ton haleine attise
En moi.

Je reconnais ces transports et ces fièvres
Que je croyais pour jamais endormis,
Cruel Amour, et je te tends les lèvres,
Soumis.

Un astre éclôt au levant, fleur sans tige.
Amour, ô joug que j’ai tant désiré,
Je me prosterne et subis ton prestige
Sacré.

Mais, si je dois consumer à ta flamme
Ce faible cœur qui trop peu se défend,
Du moins, Amour, rends-moi ma petite âme
D’enfant.

SOIR AU LARGE


Calmé, le vent apporte à la voile arrondie
Sa caresse plus molle et son chant moins amer.
Le soleil, que s’apprête à dissoudre la mer,
D’un resplendissement de moires l’incendie,

La rouge immensité semble en feu. Nous glissons
Sur de l’or écarlate et fluide, en extase
Devant le magnifique occident qui s’embrase,
Éclaboussant les flots de lumineux frissons.

Engloutis-nous, ô mer, avec notre beau rêve.
Tous les mots enchanteurs nous les avons ouïs,
Par toutes les clartés nous restons éblouis,
Heureux qu’en toi, ce soir, notre destin s’achève.