Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Des trésors oubliés de tendresse et de foi
S’offrent à ma pensée en qui tout s’exagère.
J’imagine qu’avec plus de fraîcheur légère
Mon âme de dix ans se renouvelle en moi.

Déjà transfiguré d’ivresse intérieure,
Je me refais petit, ingénu ; je reviens
Sans nul effort à des souvenirs très anciens,
Comme va ce qui passe à ce qui seul demeure.

Puis, délivré d’un corps presque immatériel,
Ma candeur reconquise en sa grâce enfantine,
Sur des illusions sans nombre je butine,
Abeille heureuse éclose à la saison du miel.

Et je crois, tellement l’atmosphère est subtile,
Respirer un air vierge où des baumes divins
S’épandent, exhalés d’invisibles ravins,
Et vivre un de ces soirs que le Rêve distille.

Des paysages d’or s’évoquent enchanteurs,
Et des impressions ressuscitent naïves.
Je suis le fil d’un fleuve aux lumineuses rives,
Au caressant murmure, aux suaves senteurs.

Et le courant m’entraîne aux chères nostalgies
De limpides séjours et d’horizons élus,
Si tranquilles, si purs, que je ne les vois plus
Qu’à travers la splendeur d’exaltantes magies.

Et, quand je redescends vers les hommes, longtemps
Ébloui d’un reflet du passé qui persiste,
Je médite d’un cœur moins amer et moins triste
Sur ce mystérieux au-delà que j’attends.