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SOIR DANS LA PLAINE


Je me sens le cœur lourd de peines incomprises,
Et pour vous je voudrais les confier aux brises ;
Mais les vents, dans leur vol si frais et si léger,
Oseront-ils d’un faix douloureux se charger ?
L’ample azur est doré de nuages. Des baumes
Circulent. L’horizon, que peuplent d’humbles chaumes,
S’achève en irréelle et fluide clarté,
Et, pour la mieux fixer dans ce cadre enchanté,
J’évoque votre image obstinément fidèle,
Et je crois que tout vibre et palpite autour d’elle.
Or, peut-être à cette heure unique évoquez-vous
Aussi le très ancien amour, d’autant plus doux
Que l’ont déjà flétri les rapides années,
Et qu’il exhale, ainsi que les plantes fanées,
Son plus suave arôme en mourant… Oui, ce soir
J’ai le cœur lourd de nul ne sait quel vain espoir
À la fois si fragile et si mélancolique
Que je le baise ainsi qu’on baise une relique,
Et que j’aspire, avec le jour presque aboli,
À descendre au tombeau pour savourer l’oubli.


SOIR EN FORÊT


La nuit qui tombe ajoute un peu de son mystère
Aux mystères de la forêt.
À travers un brouillard chaque arbre transparaît,
Majestueusement austère.

Oh ! le mélancolique et pur silence ! Un cerf
Sort des taillis la tête haute,
Et des bois frémissans, dont il fut toujours l’hôte,
Ecoute mourir le concert.