L’hymne délicieux jailli de ton cœur fier
D’un tel arôme et pour jamais emplirait l’air,
Que la terre en serait suavement grisée ;
Poète, souviens-toi de ta peine épousée,
De tes deuils partagés, de ton rêve compris,
Dans la communion des lumineux esprits.
Et, puisque le vieux parc à tes douleurs plaintives
Offre comme autrefois ses nobles perspectives ;
Puisque ce soir sacré t’évoque un tendre soir
Où vint l’être de grâce à ton côté s’asseoir,
Revis tes souvenirs avec mélancolie,
Songe que toute ivresse est bientôt abolie,
Crois que rien ne résiste à l’outrage oublieux
Du temps hâtif, ni les visages ni les lieux,
Et que celui qui dans l’épreuve se résigne
Du destin le plus haut demeure le plus digne.
Oh ! comme j’ai besoin de vous chérir, ce soir,
Vous de qui la candeur m’est douce et familière,
Et de suspendre à votre amour mon cœur si noir,
Comme au tronc se confie un lierre !
Que me rend ingénu votre ingénuité,
A cette heure plus grave où je rêve plus triste ;
Où, sur ma vie indigne et mon sort mérité
Le seul regret plane et subsiste !
Et combien votre grâce innocente m’absout,
Alors que, frissonnant comme une sensitive,
Je garde encore à mes lèvres l’horrible goût
De quelque luxure hâtive !