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Penchez sur mon front vil vos chastes yeux d’azur,
Vos yeux émerveillés où se mire un beau songe,
Pour que je sente un peu du grand pardon futur
Calmer l’angoisse qui me ronge.

Et, sur ce tiède banc de l’allée où je vins
Voir l’automne effeuiller la dernière églantine,
Veuillez que je retrouve en vos regards divins
Le ciel de mon âme enfantine.


SOIR AU FOYER NATAL


O mère que j’invoque, aïeuls en qui je crois,
A l’abri de ce toit obscur, heureux tous trois,
Alors que le battoir, la varlope et l’enclume
Se taisent, que la moindre étoile qui s’allume
Cloue un diamant pâle au velours bleu du soir,
Sous l’humble lampe unis, j’imagine vous voir
Filant, brodant, causant, serrés l’un contre l’autre,
Et mon œuvre est stérile en regard de la vôtre.
Ah ! que n’ai-je, mes pas dans vos pas, vrais amis,
Suivi la droite route et le chemin permis !
Hélas ! seul je m’afflige où vous rêviez ensemble,
Et cette solitude amère, où mon cœur tremble,
L’enveloppe comme un linceul prématuré,
Et ma peine sans doute a trop longtemps duré,
Puisque, las de souffrir isolé, j’envisage
La mort ainsi que doit l’envisager le sage ;
Puisqu’elle me paraît le port tranquille et sur
Où le mal ébloui, que pénètre l’azur,
Se fond dans la douceur d’extases éternelles ;
Où toutes les pitiés nous absorbent en elles ;
Où brille et resplendit sur les destins élus
Le miraculeux soir qui ne s’achève plus.
C’est pourquoi, radieux aïeuls, mère attendrie,
Êtres aimés en qui je crois et que je prie,